Art moderne - Fondation

XXE SIÈCLE

Les anti-portraits de Jean Dubuffet

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 14 juin 2024 - 324 mots

PARIS

La Fondation Dubuffet fête ses 50 ans en mettant l’accent sur la représentation du visage dans son œuvre.

Paris. Cachée dans un passage du 6e arrondissement, la Fondation Dubuffet reste discrète. Mais pour cette occasion spéciale, son cinquantième anniversaire en l’occurrence, elle a décidé de se mettre un peu en avant. Une salle d’exposition est consacrée à une chronologie visuelle retraçant les cinquante années d’activité de la Fondation. Mais bien entendu, c’est l’œuvre de Jean Dubuffet (1901-1985) qui est au cœur de la présentation, répartie sur trois niveaux. Tâche qui n’est pas aisée car, polymorphe et boulimique, l’artiste est à l’origine d’une production plastique d’une exceptionnelle abondance, avec plus de 10 000 travaux répertoriés.

Sophie Webel, la directrice des lieux, a choisi de mettre en exergue un thème transversal à l’œuvre du père de l’art brut : le visage humain. Le parcours, débutant dans les années 1920, permet de découvrir des débuts étonnamment classiques : le portrait de profil de l’écrivain Georges Limbour (1920) ou, plus tard, Lili style Renaissance (1936). Progressivement, ces visages déformés, tordus jusqu’aux limites de l’informe, se dressent contre l’habitude de conférer à la figure humaine le beau rôle, contre l’importance accordée à la ressemblance. Dubuffet s’attaque à la vision humaniste en lui opposant la dérision, déjà présente dans des titres comme celui de la série « Les gens sont plus beaux qu’ils croient » (1947). Ces portraits de peintres et d’écrivains, souvent des amis de Dubuffet, sont selon lui : « Anti-psychologiques, anti-individualistes […], des futiles accidents – un visage plus gras, un nez plus court – qui peuvent différer d’une personne à une autre » (Prospectus et tous écrits suivants, Gallimard). Utilisé à contre-courant, le « portrait » devient ici un terrain d’expérimentation. Chairs feuilletées (1954), ce visage couvert de matière, n’est qu’un exemple parmi d’autres. Face à l’univers tragique, parfois marqué par le pathos, de Francis Bacon, l’artiste français a fait le choix de l’exubérance forcenée, de l’ironie grinçante qui effleure parfois l’absurde.

Fondation Dubuffet, 1974-2024 : Chronique de 50 ans d’activités,
jusqu’au 3 janvier 2025, 137, rue de Sèvres, 75006 Paris.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°635 du 7 juin 2024, avec le titre suivant : Les anti-portraits de Jean Dubuffet

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque

GESTION DES COOKIES