MILAN / ITALIE
Il y a cent ans, l’Italie voyait naître l’incontournable designer Achille Castiglioni. La fondation qui lui est consacrée célèbre cet anniversaire à Milan avec trois expositions successives, dont la première rend hommage à sa passion pour les objets du quotidien.
Les maestros se suivent, mais ne se ressemblent pas. Après le centenaire, l’an passé, de la venue au monde du fondateur du groupe Memphis Ettore Sottsass, Milan fête, cette année, les 100 ans de la naissance d’une autre star du design transalpin : Achille Castiglioni (1918-2002). Et l’hommage promet d’être complet, puisqu’il s’intitule tout simplement L’Anno di Achille [« L’Année d’Achille »]. Au menu : une première exposition intitulée « 100 x 100 Achille », jusqu’au 30 avril, à la Fondation qui porte son nom. Puis, une deuxième, toujours en ses mêmes murs, de mai à décembre, mais qui, cette fois, sera une reprise d’une présentation intitulée « Mobilier italien », laquelle eut lieu en 1984, à Tokyo. Enfin, last but not the least : une vaste rétrospective que concocte, actuellement, la Triennale de Milan pour le quatrième trimestre de 2018. De quoi replonger à l’envi dans la carrière trépidante de ce créateur de génie, diplômé architecte, en 1944, au Politecnico de Milan, où il enseigna, et auteur de plus de 200 produits, notamment de pièces devenues mythiques, tels le lampadaire Arco, l’amusante lampe de bureau Snoopy ou le désopilant siège Mezzadro, conçu avec… une selle de tracteur. Avantage non négligeable : l’amateur, s’il le souhaite, peut d’autant plus se plonger dans l’environnement cher au designer que le bureau de ce dernier, logé dans un vaste appartement milanais face au Castello Sforzesco, est, depuis 2012, devenu le siège de la Fondation Achille Castiglioni, ouverte au public. Pour les passionnés, le lieu est évidemment incontournable, d’autant qu’il respire 40 ans de création, de 1962 à la mort du designer, en 2002.
Déambuler dans les différentes pièces, au milieu des dessins, maquettes, prototypes et autres produits finis, suffit pour admirer les différents registres dans lesquels Castiglioni excellait. « La modernité, disait-il, ne réside pas dans le style qui n’en est qu’un effet, mais dans l’observation de l’homme et dans la découverte de la nouvelle réalité de ses besoins qui changent avec l’époque. » Adepte de la forme minimale, sa première inspiration lui venait tout simplement de la vie quotidienne et de la multitude d’objets anonymes qu’elle recèle. Achille Castiglioni les a recherchés et collectionnés sa vie durant. Pour preuve : son atelier est truffé d’armoires vitrées dans lesquelles s’accumulent ces multiples « trésors ». « Pour imaginer ses produits, Achille a usé exactement du même processus qui a présidé à la création des objets anonymes, raconte Carlo Castiglioni, fils du maestro et président de la Fondation. Il disait sans cesse : “Tiens, c’est un objet intéressant, je le mets ici et on verra après…” Or, toutes ces collections d’objets ont fortement influencé sa méthode. »
Pour l’occasion donc, l’exposition « 100 x 100 Achille » rassemble 100 objets anonymes envoyés, cette fois, par 100 designers internationaux, « comme s’ils offraient à Achille un cadeau », dixit Chiara Alessi, journaliste et curatrice, co-commissaire de la présentation. En réalité, il y en a un peu plus : 112 exactement, répartis dans plusieurs vitrines verticales ou horizontales, disposées dans une salle de la Fondation. Le Néerlandais Marcel Wanders a envoyé une guirlande de papier bariolé, l’Allemand Konstantin Grcic un poids d’un kilo et l’Anglais Jasper Morrison une agrafeuse. Même le vénérable Milanais Enzo Mari, 86 ans, a fait porter l’un de ses propres… mini-canifs. Issus de multiples coins du monde, certains objets sont trivialement banals : une bouteille de vin, un balai, une râpe à fromage… D’autres, en revanche, se révèlent beaucoup plus originaux, comme en témoigne ce « profilomètre » proposé par la designeuse espagnole Patricia Urquiola, un drôle d’engin utilisé, notamment, par les architectes, pour matérialiser les profils des objets. Tous, néanmoins, évoquent, chacun à leur manière, la vie de tous les jours. « Ces objets sont, certes, différents de par leur genre, leur matériau ou leur typologie, mais s’avèrent proches à travers une même intelligence de projet, explique Chiara Alessi. Ils pourraient constituer le noyau d’un possible “Musée de l’objet anonyme”, fait d’objets projetés par des auteurs inconnus, mais choisis par des designers très connus. » Manière, sans doute, de tirer son chapeau, le facétieux Italien Alessandro Mendini, lui, a envoyé l’un de ses… feutres.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Le talent d’achille
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°496 du 2 mars 2018, avec le titre suivant : Le talent d’achille