PARIS
Une cinquantaine de ses œuvres disséminées dans le musée mettent en lumière autant de chefs-d’œuvre des collections du Petit Palais.
Paris. Laurence Aëgerter aime plonger dans les collections d’un musée et les raviver à travers ses tableaux, sculptures, objets, photographies, livres illustrés ou tapisseries jacquard. Les confrontations de telle ou telle pièce historique, quelle que soit sa nature ou son importance, engendrent d’autres narrations, d’autres perceptions. Le cheminement enchanteur qu’elle a imaginé dans les collections du Petit Palais-Musée des beaux-arts de la Ville de Paris en collaboration avec la commissaire d’exposition Fannie Escoulen offre le panorama le plus complet de sa pratique et de l’esprit qui l’anime.
On avait en effet jusqu’à présent une vision parcellaire en France du travail de cette artiste multidisciplinaire, née à Marseille en 1972 et installée à Amsterdam depuis 1993. Aux Rencontres d’Arles 2018, l’exposition « Cathédrales » présentait une série de photographies réalisées à partir d’un livre des années 1950. Plus récemment, la Galerie Binome (Paris) a remis en lumière les merveilleuses tapisseries Bains de midi et Bains de minuit créées dans le cadre d’une commande du château Borély (Musée des arts décoratifs, de la faïence et de la mode) à Marseille pour « Marseille-Provence 2013 ». On retrouve ces différentes pièces au Petit Palais, mais aussi nombre d’autres plus anciennes. La première monographie en France de Laurence Aëgerter comporte également des pièces nouvelles créées en lien avec les collections du musée et les savoir-faire spécifiques d’un maître verrier, d’un atelier de tapisserie ou de la Manufacture de Sèvres.
Une harpe de l’époque de Louis XVI retrouve l’ensemble de ses cordes, support de larmes de verre sur lesquelles ont été gravés des chiffres ou des lettres issus de numéros de téléphone, de noms ou d’adresses de personnes aimées. Soleils couchants sur la Seine à Lavacourt, tapisserie tissée en fils de laine mohair et Lurex, répond en miroir au tableau de Claude Monet exposé juste au dos de la cimaise. Le daguerréotype de Léon Riesener montrant sa fille Thérèse endormie devient une étonnante lithophanie, fine plaque de porcelaine, à l’image en relief placée à la lumière du jour de manière à prendre de légers tons de gris à certains endroits selon son intensité. Au-delà de la prouesse technique de cette pièce réalisée lors de la résidence de l’artiste à la Manufacture de Sèvres, Le Sommeil, Thérésou incarne le talent de Laurence Aëgerter à repenser les techniques, mais surtout à rendre vivante la matière et perceptible la magie de la lumière. Car aussi loin que l’on remonte dans l’œuvre l’artiste sait rebattre le temps et les histoires, petites ou grandes.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°556 du 27 novembre 2020, avec le titre suivant : Le Petit Palais poétisé par Laurence Aëgerter