PARIS
Le Palais de Chaillot invite à découvrir le Paris du début du XXe siècle, filmé et photographié pour le compte du banquier philanthrope pour ses Archives de la Planète.
Paris tient une place importante dans les collections Albert Kahn, riches au total de 72 000 autochromes et d’une centaine d’heures de films noir et blanc muets. La capitale, la ville la plus présente dans les Archives de la Planète n’a fait l’objet jusqu’à présent que de deux expositions : la première au Musée Carnavalet en 1982, la seconde à l’Hôtel de ville en 2007. À un an de l’ouverture de son nouveau bâtiment, le Musée départemental Albert-Kahn s’associe avec la Cité de l’architecture et du patrimoine pour mettre en valeur son fonds « Paris ». L’exposition intègre notamment pour la première fois les films jamais projetés, véritables pépites.
La période couverte, du premier reportage sur la crue de Paris de 1910 à celui sur l’Exposition universelle de 1937, matrice du Palais de Chaillot, illustre l’intérêt porté par Albert Kahn au patrimoine, à la vie urbaine et aux transformations de la capitale. L’actualité ne rentre pas dans les préoccupations du banquier et mécène, ni dans celles du géographe Jean Brunhes, en charge de la direction scientifique des archives. Le recensement des monuments montre ainsi leur peu d’intérêt pour l’avant-garde architecturale, tandis que le traitement de la Première Guerre mondiale se réduit à un étonnant inventaire des protections des monuments ou vitrines de magasins. Les prises de vues des ruelles du vieux Paris, des quartiers insalubres ou celles des petits métiers et des façades des maisons closes viennent en appui des projections privées organisées au sein de la propriété d’Albert Kahn ou des conférences sur la situation sanitaire et sociale de la capitale, programmées par ses différentes fondations, tel le Comité national d’études sociales et politiques. Les autochromes, retirés en grands formats et présentés ici dans des caissons lumineux, fourmillent de détails.
Les grands travaux entrepris durant cette période se racontent dans des images aussi étonnantes que celles des jardins ouvriers au pied des fortifications de la porte de Clichy, de la démolition de l’enceinte de Thiers, de la transformation de la gare de l’Est ou de la construction d’immeubles sociaux. La combinaison films et autochromes enrichit la connaissance de ce Paris des années 1910-1937. À l’inverse des images frontales et vides de toute population de la place l’Opéra ou de la Madeleine, les films sont pleins de voitures, de fêtes populaires et de cheminées fumantes d’usines. Les images de la Seine et des berges encombrées de péniches, de charbonniers et de matelassiers contrastent avec notre époque. Les publicités recouvrent façades d’immeubles ou de boutiques dans un détonnant mélange de slogans et de couleurs. Les « Catherinettes » arborent, aux balcons des rues de la place Vendôme, leur chapeau de leur confection, sourires éclatants aux lèvres.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°552 du 2 octobre 2020, avec le titre suivant : Le Paris des collections Albert Kahn