Art moderne

Le Grand Jeu ou la voie de l’absolu

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 1 janvier 2004 - 388 mots

Passionnante leçon que celle que propose le musée des Beaux-Arts de Reims, en articulant une foisonnante exposition consacrée au Grand Jeu, mouvement philosophico-poétique fondé par Roger Gilbert-Lecomte, René Daumal, Roger Vailland et Robert Meyrat en 1927. 

Longtemps considéré comme une ramification provinciale, radicale et puriste, comme une inflexion autonome et ascétique du surréalisme, le Grand Jeu demeure aujourd’hui encore subordonné à sa relation complexe entretenue avec André Breton et ses amis. L’exposition de Reims n’échappe pas à la règle. Mais pour cette fois, avec nuances et forces détails, manuscrits, dessins, publications, peintures et archives photographiques à l’appui. Précédé de la fratrie des Simplistes, fondée en 1925 alors que les quatre amis rémois n’étaient que des collégiens, Le Grand Jeu en conservera la radicalité adolescente, le goût du rite et des expériences hallucinatoires. En 1927, l’idée d’une revue se précise.
Elle portera le nom de ce qui s’affirme désormais comme un véritable projet existentiel et connaîtra trois parutions, avant que le groupe ne se sépare définitivement en 1933. Parallèlement, le groupe qui s’agrandit, cautionne des expositions montrées à Paris et noue des relations aussi complexes que passionnées avec le groupe surréaliste. La fin des années 1920 marque les années de crise du mouvement régenté par Breton, qui s’engage dans la voie du Parti communiste. Le Grand Jeu, lui, pose les jalons sans concessions d’une métaphysique expérimentale, s’attaque aux fondements mêmes de la pensée occidentale et de son rationalisme, brandissant une révolte absolue et héroïque que les surréalistes, écartelés par leurs engagements matérialistes, peinent à maintenir. Si le contexte premier et indéfectible du Grand Jeu demeure fondamentalement celui de la poésie et de son action (on pourra d’ailleurs regretter que l’exposition ne l’inscrive pas davantage dans la continuité du romantisme allemand), le groupe sera pourtant rejoint par les plasticiens Maurice Henry, Artür Harfaux et surtout Joseph Sima, auquel le parcours réserve une place de choix. L’occasion de souligner les correspondances entre la méthode cognitive bâtie par le Grand Jeu et les arts plastiques. Considérée en premier lieu comme outil ou moyen simple d’accès à la connaissance, la peinture revêt pour eux, avec Sima, la fonction rare et essentielle de peinture/poésie, seule capable d’approcher une vérité pure.

« Grand Jeu et surréalisme », REIMS (51), musée des Beaux-Arts, 8 rue Chanzy, tél. 03 26 47 28 44, jusqu’au 29 mars 2004.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°554 du 1 janvier 2004, avec le titre suivant : Le Grand Jeu ou la voie de l’absolu

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