Art ancien

LE COUP DE CŒUR DU MOIS

La sculpture de la Renaissance loin des clichés

Musée du Louvre - Paris-1er

Par Isabelle Manca · L'ŒIL

Le 24 novembre 2020 - 492 mots

PARIS

Magistrale, l’exposition « Le corps et l’âme » dresse au Louvre un panorama de la sculpture dans la seconde moitié du Quattrocento en mettant en avant la diversité de la création dans la future Italie.

Michel-Ange. Son nom en impose et convoque irrésistiblement un répertoire d’œuvres inoubliables : la puissance du David, le pathos de La Pietà, sans oublier la sensualité des Esclaves. Autant de pièces maîtresses qui incarnent la quintessence de la Renaissance, cet équilibre parfait entre la beauté idéale et la recherche de réalisme. Au point d’oblitérer le reste de la fourmillante production de ses confrères actifs dans la Péninsule. Car, en réalité, qu’elle fut variée, bigarrée et même parfois déroutante cette Renaissance ! C’est cet étonnant panorama que brosse le Musée du Louvre dans sa palpitante exposition « Le corps et l’âme ». Vivifiante plongée dans la seconde moitié du Quattrocento, elle met en lumière l’incroyable diversité à l’œuvre dans les botteghe (les ateliers) des sculpteurs de ce que l’on n’appelle pas encore l’Italie. Ou comment États, principautés et républiques rivalisent pour devenir le creuset de cet art moderne.

Ce morcellement géographique, tout comme la mutation du statut d’artisan au profit de celui d’artiste qui se joue alors, expliquent en effet en grande partie la multiplicité des esthétiques, ainsi que l’émulation et l’expérimentation formelle. L’autre facteur de cette véritable révolution est évidemment la redécouverte de l’Antiquité qui renforce les théories des humanistes, consacrant définitivement la place de l’homme au centre du monde. La confrontation avec les modèles gréco-romains bouleverse de fait radicalement les canons, réintroduisant davantage de naturel dans la représentation des corps, mais aussi des émotions. Les héros tout en muscles et en mouvement affrontent ainsi avec une vérité nouvelle les monstres ; tandis que les nymphes laissent admirer leurs courbes affriolantes dans le plus simple appareil, ou sous d’exquis drapés gorgés de désir.

Omniprésente dans l’art profane qui ressurgit alors, cette quête de vie et de réalisme irrigue aussi les recherches dans la sphère religieuse. Véritable théâtre des passions, le chapitre de l’exposition consacré à cet aspect mérite à lui seul une visite tant il condense de chefs-d’œuvre, connus ou pas d’ailleurs. De l’extase à l’agonie, l’éventail des sentiments et des émotions est illustré par des œuvres aussi remarquables qu’inattendues. Ces pépites rappellent que la Renaissance ne s’est pas écrite uniquement dans le marbre glabre, mais aussi dans la terre cuite, dans le bois, y compris polychrome, et même le papier mâché !

Festival de sentiments exacerbés, ces œuvres mettent en relief des esthétiques inattendues. Mantegazza, avec ses visages déformés, ses plis cassants et ses formes outrées, évoque ainsi l’expressionnisme avant la lettre. Alors que les bronzes de Di Giovanni suggèrent un certain primitivisme. Mais le corpus le plus surprenant, car tranchant le plus avec l’image canonique de la Renaissance, est assurément les sculptures en bois polychromes. Grandeur nature, ces groupes signés Del Maino et De Donati sidèrent par leur puissance et leur dimension presque sonore. Une sacrée découverte.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°739 du 1 décembre 2020, avec le titre suivant : La sculpture de la Renaissance loin des clichés

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