Art moderne

XIXe

À la (re)découverte de Georges Lacombe

Versailles et Saint-Germain-en-Laye offrent une relecture du peintre et sculpteur nabi

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 15 janvier 2013 - 741 mots

VERSAILLES

SAINT-GERMAIN-EN-LAYE, VERSAILLES - Parce qu’il pouvait compter sur la fortune héritée par son épouse Marthe, Georges Lacombe (1868-1916) n’a jamais connu la nécessité (ou même l’envie) de vendre ses œuvres.

Luxe suprême pour un artiste en ce tournant du XXe siècle où les avant-gardes ont dû en découdre pour trouver le chemin de la reconnaissance… Sa participation aux différents salons comme sa présence, en début de carrière, dans les expositions organisées par les plus grands galeristes de Paris (Durand-Ruel et Vollard) nourriront sa notoriété auprès de ses pairs. Mais l’artiste et sa famille se retirent dès 1897 des cercles parisiens pour Alençon, en Normandie, et, faute de succès commercial, son œuvre brille aujourd’hui par sa discrétion. Aussi les collections particulières (la famille en majeure partie) ont-elles été largement sollicitées à l’occasion de cette rétrospective en deux temps organisée par le Musée départemental Maurice-Denis à Saint-Germain-en-Laye et le Musée Lambinet à Versailles, dans les Yvelines.

Coloriste culotté
Aux commandes scientifiques se trouve Gilles Genty, auteur de la très efficace rétrospective de l’œuvre de Paul Ranson, le meilleur ami de Lacombe, organisée à Saint-Germain-en-Laye il y a trois ans. Si les affinités de l’historien de l’art avec le Musée Maurice-Denis ont facilité la mise en route du projet, l’institution versaillaise y a naturellement trouvé sa place – dans les années 1980, le Musée Lambinet a reçu une large donation d’œuvres graphiques par le petit-fils de l’artiste, le général Georges Maldan. La distribution des rôles a ensuite coulé de source : les peintures et sculptures sont présentées de manière chronologique à Saint-Germain, tandis que Versailles s’est réservé la part graphique sur un mode thématique.

Une fois n’est pas coutume, l’étiquette de « nabi sculpteur » se décolle pour laisser apparaître un peintre assuré, un coloriste culotté, un dessinateur amusé. Issu de la bonne société versaillaise, Lacombe a bénéficié de l’ouverture d’esprit d’un père tantôt poète, tantôt chroniqueur humoriste, tantôt ébéniste, et d’une mère dessinatrice de talent, qui l’encouragèrent à poursuivre une voie artistique. Après s’être perfectionné auprès de maîtres classiques, sa rencontre avec Paul Sérusier fut décisive – en 1893, il intégra la confrérie nabi. À Saint-Germain-en-Laye, plusieurs toiles témoignent de la puissance symboliste de Lacombe, tant sur le plan de la composition – le synthétisme de Gauguin qu’il adopte en un tour de main – que sur celui de la couleur, avec l’emploi de tons riches et surnaturels. La comparaison formelle avec Ranson est tentante, mais ne tient pas sur le fond : si Lacombe cultivait un intérêt pour la théosophie, il n’a pas versé dans l’ésotérisme à l’instar de son contemporain. D’autant que Lacombe brouille les pistes en se tournant vers le néo-impressionnisme ; la célébration de la nature prend le pas sur la réflexion sur la vie et la mort. Des premières influences égyptiennes au retour à l’ordre à la fin de sa vie, la sculpture sur bois tient aussi une place de choix. Lacombe fait preuve d’une grande maîtrise technique, abordant des sujets intemporels (Christ en croix, Marie-Madeleine, La Naissance…) avec sobriété et émotion.

Versailles ne se contente pas de présenter une poignée de dessins préparatoires aux œuvres de Saint-Germain. L’artiste y excelle dans la caricature de la bonne société, n’épargnant ni sa famille ni sa propre personne. Il démontre qu’il sait réaliser des portraits des plus introspectifs et fait preuve d’un humour cinglant. Si l’historien André Chastel a ouvert le bal d’une réévaluation de Lacombe à la fin des années 1960, les commissaires expliquent que « la relecture de son œuvre ne fait que commencer ». Vivement la suite.

LES UNIVERS DE GEORGES LACOMBE (1868-1916)

Jusqu’au 17 février, Musée départemental Maurice-Denis, 2 bis, rue Maurice Denis, 78100 Saint-Germain-en-Laye, tél. 01 39 73 77 87, museemauricedenis.yvelines.fr, tlj 10h-17h30, samedi, dimanche et jf jusqu’à 18h30, le 1er jeudi du mois jusqu’à 21h

Voir la fiche de l'exposition : Les univers de Georges Lacombe

Musée Lambinet, 54, bd de la Reine, 78000 Versailles, tél. 01 39 50 30 32, www.versailles.fr, tlj sauf vendredi 14h-18h.

Voir la fiche de l'exposition : Les univers de Georges Lacombe

Publication, coéditée par les deux musées et Silvana Editoriale, 232 p., 30 €.

À noter : le petit-fils de l’artiste, le général Georges Maldan, donnera une conférence le 3 février à 16 heures au Musée Lambinet.

GEORGES LACOMBE

Commissaire scientifique : Gilles Genty, historien de l’art

Commissaires généraux : Frédéric Bigo, directeur du Musée départemental Maurice-Denis ; Françoise Roussel-Leriche, conservatrice du patrimoine et directrice du Musée Lambinet

Légende photo

Affiche de l'exposition « Les univers de Georges Lacombe » au Musée départemental Maurice-Denis , du 13 novembre 2012 au 17 février 2013.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°383 du 18 janvier 2013, avec le titre suivant : À la (re)découverte de Georges Lacombe

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