GRASSE
S’appuyant sur une riche collection de poudriers de 1880 à 1980, le musée grassois en profite pour dresser une histoire de la cosmétique et surtout, du paraître.
Grasse. Le poudrier a aujourd’hui quelque peu perdu sa place dans les sacs à main, mais Anne de Thoisy-Dallem, ancienne conservatrice du Musée de la toile de Jouy, en possède quelque 2 500, de toute taille, tout matériau et toute forme. Exposés pour la première fois, plus de cinq cents d’entre eux forment le fil rouge de cette exposition, qui part de ce petit objet incarnant l’évolution des pratiques cosmétiques sur la période 1880-1980.
Constitué de nombreux prêts, et notamment d’affiches de la Bibliothèque Forney (qui coproduit l’exposition), le parcours se structure autour d’une scénographie soignée et efficace, articulée autour de quatre petites period room, délimitant clairement le passage d’une époque à l’autre.
Et si l’exposition commence à la fin du XIXe siècle, ces écrins sont en réalité le prétexte à un propos bien plus large sur l’histoire de la poudre cosmétique et ses usages. Autrefois faite de plomb, de radium ou de poudre de riz, compacte ou pulvérulente, elle sert à maquiller, poudrer les cheveux et la perruque, mais aussi par fumigation, à désodoriser.
Avant la Révolution, la poudre est l’apanage des aristocrates et des bourgeois, qui la consomment massivement. Les pratiques changent peu au XIXe siècle : la mode reste au teint blanchâtre et l’acte de se poudrer, devenu exclusivement féminin, se circonscrit au cabinet de toilette. L’objet « poudrier », en carton, sert avant tout à aller acheter de la poudre en vrac. Au début du XXe siècle, l’esthétique et les matériaux du poudrier évoluent pour arriver au summum de la modernité du moment : des premiers cartonnages aux poudriers Art nouveau en métal, succède l’aluminium avant l’avènement des premiers plastiques. Progressivement plus petit, agrémenté d’un miroir, il quitte la table de toilette pour se glisser dans le sac. Le geste de se repoudrer, avec la houppette, le pinceau puis l’éponge, devient visible. Enfin, avec l’instauration des congés payés, on préfère le teint halé de retour de vacances et la palette de coloris se déploie.
La publicité qui y est associée change en conséquence – aux toiles beaux-arts succèdent les affiches promouvant des lignes parfumées, avec un éventail complet de produits.
Et alors que l’exposition progresse vers notre temps (avec les premiers « tutoriels » de maquillage télévisés), le musée grassois présente La Toilette de Niki de Saint-Phalle (1978), vanité contemporaine interrogeant aussi en contrepoint cette notion, plus globale, de l’apparence.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°572 du 3 septembre 2021, avec le titre suivant : La poudre de beauté dans tous ses états