Art contemporain

La mémoire africaine au Palais de la Porte Dorée

Par Olympe Lemut · Le Journal des Arts

Le 7 juillet 2021 - 557 mots

PARIS

Le Musée national de l’histoire de l’immigration explore les notions de transmission et de mémoire. Il inscrit aussi l’Afrique dans l’histoire de l’art contemporain.

Paris. « Ce qui s’oublie et ce qui reste » : le titre de l’exposition sous-entend une temporalité longue. Selon la commissaire Isabelle Renard, du Musée national de l’histoire de l’immigration (MNHI), la notion de transmission « donne un socle commun » à l’exposition. L’œuvre la plus emblématique est celle de Zineb Sedira, Mother Tongue, sur les problèmes de transmission d’une langue maternelle après l’exil. Cette vidéo de 2002 est entrée dans la collection du MNHI dès 2005. « C’était la première acquisition du musée », précise Isabelle Renard ; la série « La salle de classe » de Hicham Benohoud date quant à elle de 1994 et 2002, cela ancre l’exposition dans une histoire de l’art déjà bien établie, entre le continent africain et la France.

Ainsi les coiffes tressées de Meschac Gaba s’inspirent à la fois de techniques artisanales du Bénin et des événements de l’actualité internationale depuis 2006 ; du décès d’un chef d’État ghanéen à l’incendie de Notre-Dame, les perruques sculptées font le lien entre les continents. Les allers-retours entre le pays d’origine et la France ponctuent le parcours, comme notamment dans l’installation du Marocain Badr El Hammami qui présente les photos et les cassettes échangées avec son père immigré dans les années 1980. La commissaire générale de l’exposition, Meriem Berrada [du Musée d’art contemporain africain Al Maaden (MACAAL) de Marrakech], note que « si le vocabulaire des migrations est toujours un peu le même, ici l’artiste rappelle que les ouvriers immigrés n’écrivaient presque pas à leur famille ».

Les deux commissaires qui ont collaboré pour concevoir cette exposition partagent une attirance pour les œuvres mélancoliques, dont celles de Malik Nejmi. Réalisées entre la Villa Médicis et le Maroc en 2014, les vidéos et photographies mettent en scène les deux enfants de l’artiste jouant avec des objets hérités de sa grand-mère marocaine. Isabelle Renard attire l’attention sur « la nostalgie de l’exil et le jeu sur les codes orientalistes » qui filtrent derrière les œuvres. Elle ajoute que l’artiste a finalement donné au MNHI ces trois objets (un foulard, un coussin et un manuel scolaire), car le musée constitue aussi une collection d’objets courants liés à l’immigration en France.

Des cultures africaines menacées par l’oubli

L’exposition n’esquive pas les aspects politiques liés à la transmission des cultures africaines, comme la colonisation de la République démocratique du Congo dans les photographies de Sammy Baloji (2013). Plusieurs artistes abordent aussi la question des populations berbères du sud du Maroc dont Abdessamad El Montassir qui s’attache à recréer le Sahara marocain avec ses plantes endogènes, ses roches et surtout ses récits traditionnels, à travers une immense installation audiovisuelle. Meriem Berrada précise que la langue locale « est peu parlée aujourd’hui » et que la bande-son « présente des témoignages oraux d’événements présents dans les mémoires »,événements dont la trace risque de s’effacer. C’est aussi ce qui anime l’œuvre d’Amina Agueznay : des femmes marocaines ont tissé de longues bandes blanches brodées de symboles traditionnels noirs et blancs. Lorsque les femmes ne comprenaient plus à quoi faisait référence le symbole, elles le brodaient en blanc. Sans surprise, les bandes brodées par les plus jeunes sont remplies de blanc. Cette œuvre commandée pour l’exposition montre comment une collection d’art peut aussi jouer un rôle dans la conservation des cultures menacées de disparition.

Ce qui s’oublie et ce qui reste,
jusqu’au 29 août, Musée national de l’histoire de l’immigration, 293, avenue Daumesnil, 75012 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°570 du 25 juin 2021, avec le titre suivant : La mémoire africaine au Palais de la Porte dorée

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