Arabie Saoudite - Biennale

BIENNALE D’ART CONTEMPORAIN

La Biennale de Diriyah construit sa renommée

DARIYA / ARABIE SAOUDITE

La 2e édition de l’exposition saoudienne s’appuie sur des talents reconnus afin de renforcer sa crédibilité, tout en faisant la promotion de la scène saoudienne à l’échelle internationale.

Dariya (Arabie saoudite). Alors que l’édition inaugurale lancée en décembre 2021 avait pâti d’une visibilité réduite à cause de la pandémie, cette deuxième édition compte un tiers de plus d’artistes et une équipe curatoriale doublée. Présentée jusqu’au 24 mai à Dariya (Diriyah en anglais), l’ancienne capitale du royaume située à la périphérie est de Riyad, la biennale réunit une centaine d’artistes venus de 43 pays, très souvent exposés pour la première fois dans le pays. Placée sous la direction artistique d’Ute Meta Bauer, la biennale tire parti de la renommée de la commissaire allemande, qui a collaboré avec de prestigieuses manifestations (3e Biennale de Berlin, Documenta 11 de Cassel, pavillons des États-Unis et de Singapour aux 56e et 59e Biennales de Venise) et universités (MIT, NTU à Singapour). Assistée de six co-commissaires et d’un commisssaire adjoint pour la partie digitale, son équipe est presque entièrement féminine et très internationale avec la seule Saoudienne Wejdan Reda.

Cette recherche de talents se manifeste également à travers la sélection d’artistes, dont beaucoup ont été consacrés par les biennales les plus réputées, telles celles de Venise, Sharjah, Gwangju, São Paulo, l’Asia Pacific Triennial, ou par la Documenta. On compte ainsi Yang Fudong, El Anatsui, Tomás Saraceno, Tarek Atoui, Alia Farid, le collectif Britto Arts Trust, Tiffany Chung et Sopheap Pich. Ce dernier expose deux installations monumentales inspirées par la culture bouddhiste, un fait rare dans un pays qui ne reconnaît d’autre religion que l’islam.

À l’image de cette liste, l’équilibre entre hommes et femmes est maintenu au fil des salles, y compris pour les artistes du Sud global, très bien représentés. La direction artistique est ainsi proche de celle de la Biennale de Sharjah de 2023, qui rendait hommage à Okwui Enwezor (1963-2019) avec qui Meta Bauer avait collaboré dans le cadre de la Documenta 11 en 2002.

Un peu plus d’un quart des 177 œuvres exposées sont des commandes de la biennale visant à optimiser son originalité. Les choix scénographiques servent également cet enjeu, à l’instar de la plongée dans l’obscurité des salles centrales, faisant ainsi ressortir les œuvres de manière saisissante. On y découvre Pétrichor Urbain (2015-2024), d’Anaïs Tondeur (née en 1985), l’une des deux artistes françaises présentées. Son installation fait écho au titre de la biennale, « After Rain » (Après la pluie), « pétrichor » étant le nom scientifique des substances huileuses sécrétées par les plantes et responsables de l’odeur caractéristique consécutive à de fortes pluies sur un sol sec. Tania Mouraud (née en 1942) complète cette présence française avec Initiation Room No 2 (1971-2024), espace de méditation clos doté d’un plafond très bas, une installation immersive déjà recréée en 2022 par la galerie Ceysson & Bénétière dans le cadre de la section « Unlimited » d’Art Basel.

Parmi la trentaine d’artistes des pays du Golfe, on note, en toute logique, la forte visibilité des artistes saoudiens, Ahmed Mater (né en 1979) en particulier. Saudi Futurism (2024, [voir illustration]), son installation photographique réalisée avec l’Allemand Armin Linke (né en 1966), offre un panorama des infrastructures et des grands chantiers du pays, dont le méga projet « Neom », commande de la biennale. Rappelons qu’Ahmed Mater est également cofondateur d’Edge of Arabia, collectif indépendant à l’origine de l’exposition du même nom lors de la 53e Biennale de Venise en 2009, et qui a précédé le premier pavillon du pays en 2011.

Une empreinte musulmane

Sara Abdu (née en 1993) présente une installation inspirée du rite de la toilette mortuaire dans la tradition islamique, composée de 3 500 savons naturels empilés en structure circulaire [voir ill.]. L’empreinte musulmane commune à plusieurs œuvres de la biennale est présentée par l’équipe curatoriale en relation avec la Biennale des arts islamiques, manifestation jumelle gérée par la même fondation. Celle-ci reviendra pour sa seconde édition en janvier 2025 à Djeddah.

Alia Ahmad (née en 1996), peintre saoudienne, sort également du lot avec une toile monumentale de 4,30 x 5,40 mètres. L’artiste est actuellement exposée pour la première fois en Europe à la galerie White Cube de Paris.

Tout en s’activant à la reconnaissance internationale des artistes nationaux, la biennale s’efforce de dynamiser l’écosystème artistique saoudien. Cette ambition est facilitée par son emplacement même. Organisée dans une ancienne friche industrielle transformée en complexe artistique, la manifestation se tient près d’At-Turaif, site inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. Le site abrite également « Jax », un quartier artistique regroupant galeries d’art, ateliers d’artistes et institutions telles que le SAMoCa (Saudi Arabia Museum of Contemporary Art).

Cette démarche passe également par Re/Search, centre de documentation et de recherche installé en mezzanine au sein de la biennale et présentant le travail préparatoire de plusieurs artistes sélectionnés, complété par « Learning Garden », plateforme numérique dédiée. Un investissement éducatif qui se déploie à plus grande échelle avec le lancement du « Diriyah Art Futures », premier centre de recherche et d’enseignement artistique fondé par le ministère de la Culture d’Arabie saoudite, et dont le programme a été développé en partenariat avec Le Fresnoy-Studio national des arts contemporains à Tourcoing (Nord).

Diriyah Biennale,
jusqu’au 24 mai, biennale.org.sa

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°631 du 12 avril 2024, avec le titre suivant : La Biennale de Diriyah construit sa renommée

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