Le célèbre Keith Haring (1958-1990) a le vent en poupe. Alors qu’une exposition consacrée à ce dernier en duo avec son ami Jean-Michel Basquiat est présentée à la National Gallery of Victoria de Melbourne, une émouvante rétrospective lui est entièrement dédiée à Bruxelles, où il a souvent séjourné.
En provenance de Liverpool, cette manifestation poursuivra ensuite son chemin en Allemagne. Grâce notamment à d’importants prêts d’archives (films, photos, presse) accordés par la Fondation Keith Haring, cet événement plonge les visiteurs au cœur des années 1980, dans l’ambiance déjantée de l’underground new-yorkais, et révèle combien ce jeune artiste américain, fauché en plein vol par le sida alors qu’il n’a que 32 ans, est à la fois le réceptacle et le condensateur génial d’une époque. Découpé en huit sections, le parcours réussit à nous faire suivre la chronologie de sa carrière (« Early Works », « Art in Transit », « Pop Art Life », « Act Up for Life »), tout en insérant des focus sur des thématiques bien précises (« Visual Activist », la « Black Light Room »…). Dès la première salle, on perçoit combien son œuvre au style si original est profondément liée à ses engagements multiples, contre le nucléaire, l’apartheid, la société néolibérale hypermatérialiste de Reagan et Thatcher… S’il ne fut jamais graffeur, il descendit toutefois dans le métro pour dessiner. Trois grands dessins blancs sur fond noir, miraculeusement sauvés de la destruction, attestent de cette pratique. Totalement immergé dans la vie de l’East Village, Haring a aussi participé à la vie nocturne du clubbing new-yorkais (Club 57, Paradise Garage…) en organisant des performances, en réalisant des tracts ou en illustrant des pochettes de disques. Dès 1982, le succès est au rendez-vous. Les formats se font plus monumentaux comme l’illustrent les immenses dessins qu’il imagina pour les portes d’ascenseur du Musée d’art moderne de la Ville de Paris ici exposées. Une sélection de dessins à l’encre japonaise souligne l’assurance du trait de cet artiste. Très rarement présentée, une petite pépite dans un style BD raconte avec humour la vie de du peintre, une vie qui se termine tragiquement. En fin de parcours, l’œuvre au titre ô combien explicite (Silence = Death) inaugure une salle aux murs peints en rose, consacrée aux dernières réalisations de l’artiste qui se sait condamné et va dès lors œuvrer pour soutenir la cause LGBT. Dans une toile sur fond rouge, la maladie telle une tornade aspire tout sur son passage… L’ombre de la mort plane, même si le désir de créer semble intact.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°731 du 1 février 2020, avec le titre suivant : Keith Haring, une vie d’engagement