Mouvement artistique le plus original de la fin du XXe siècle, le street art semble se faire une place au sein des institutions et du marché. Au risque, parfois, de se perdre un peu…
À la fin des années 1960 apparaissent, dans les rues de New York et de Philadelphie, des pseudonymes écrits au marqueur, puis à la bombe aérosol. Au cours de la décennie suivante, ils n’auront de cesse de s’affranchir du graffiti au sens le plus large du terme, pour devenir un véritable mouvement stylistique porté par des adolescents en quête de visibilité et d’adrénaline. Le graffiti writing est né, et conquerra bientôt le monde. Du côté de ceux qui le pratiquent comme de ceux qui le scrutent, on hésite à le définir comme un art : c’est tantôt un jeu, tantôt un symptôme et une dégradation qu’il s’agit de combattre. Si quelques galeristes et journalistes en vantent la créativité, le phénomène est absent des livres d’histoire de l’art. Il commence pourtant à inspirer quelques artistes, dont Jean-Michel Basquiat et Keith Haring, qui deviendront bientôt les seuls représentants « officiels » du graffiti writing, alors qu’ils ne l’ont jamais pratiqué formellement. Quant aux gloires du mouvement, de Seen à Dondi, en passant par Rammellzee, Phase II ou Futura 2000, ils connaissent une vogue éphémère dans les galeries new-yorkaises à la charnière des années 1980, avant de retourner à l’obscurité ou de continuer leur carrière en Europe. Seul l’engouement récent pour le street art, rejeton grand public du writing, mettra fin – et encore – à cette éclipse durable. Il faut dire qu’entre temps le phénomène s’est « artifié » : nanti d’une très large audience populaire, dont atteste sa viralité numérique, l’art urbain a conquis aussi bien le marché que les institutions. Avec lui, le graffiti se pare d’une légitimité nouvelle et devient la matrice d’où sont issues les stars du street art. Surtout, son caractère massif le voue à déborder très largement le cadre des subcultures urbaines. Pour ceux qui ont grandi dans les années 1980, il est un héritage commun, presque un passage obligé. Qu’ils le confessent ou non, nombre d’artistes contemporains ont commencé leur carrière dans la rue, une bombe à la main. Mais, là-dessus, silence : le graffiti n’est pas encore à ce point entré dans l’art contemporain qu’il puisse être mentionné sur leur CV.
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L’art urbain, prochain chapitre de l’histoire de l’art ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°740 du 1 janvier 2021, avec le titre suivant : L’art urbain, prochain chapitre de l’histoire de l’art ?