Musée

Abou Dhabi (Émirats arabes unis)

Il était une fois le Louvre

Louvre-Abou Dhabi - Jusqu’au 7 avril 2018

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 22 février 2018 - 640 mots

Certes, le Louvre est un musée, assurément le plus beau du monde. Mais c’est aussi l’un des plus anciens palais, au pedigree royal.

L’histoire du Louvre commence en effet au Moyen Âge avec la construction d’un château fortifié par le roi Philippe-Auguste. Au fil des règnes – et de l’évolution de Paris –, notamment sous l’impulsion des rois François Ier et Henri IV, le château va peu à peu se métamorphoser en palais, toujours plus grand, plus confortable, plus noble et plus ouvert sur la ville. Si le grand projet du Louvre s’achève sous Louis XIV, celui-ci déménage toutefois ses appartements et la cour à Versailles, laissant ainsi les salles du Louvre à la noblesse, aux académies et aux artistes… C’est ainsi que l’idée d’un « museum », ancêtre du Musée du Louvre, germe peu à peu, d’abord sous l’impulsion de Louis XVI puis de la Révolution française.

C’est à ce moment-là que commence l’exposition « D’un Louvre à l’autre », conçue par Jean-Luc Martinez (directeur du Musée du Louvre) et Juliette Trey (conservatrice des dessins au Louvre, auparavant en charge des peintures XVIIIe à Versailles). Cette première exposition temporaire du Louvre-Abou Dhabi, greffe émiratie des musées français, se devait donc de raconter cette histoire, celle de la constitution du Musée du Louvre et de ses collections, à son (par définition) « jeune » public, et de lui rappeler que la nouvelle institution internationale n’est pas née par la bonne parole du président Macron mais – un comble dans un émirat où la famille régnante dirige sans partage – de la Révolution.

Le faire en une dizaine de salles seulement est une gageure ; pourtant, « D’un Louvre à l’autre » parvient à poser quelques jalons chronologiques et thématiques qui font entrevoir à ses visiteurs la longue et complexe histoire du Louvre : l’origine royale de sa collection, la présence des ateliers d’artistes au sein du palais durant la Révolution, la naissance du musée, Napoléon, l’apparition du concept d’universalité, etc. Pour cela, l’exposition convoque la sculpture, la peinture, le dessin et les arts décoratifs, ici pour montrer quelques chefs-d’œuvre de l’ancienne collection royale, à l’instar de la Diane chasseresse de Versailles, sculpture entrée dans les collections royales dès 1556 et présentée dans la galerie des Glaces, mais aussi des œuvres plus anecdotiques comme les « morceaux de réception » imposés par l’Académie royale (alors au Louvre) à ses futurs membres (Portrait de Louis XIV en protecteur des arts et des sciences par Jean Garnier, 1672).

À d’autres moments, il s’agit de témoigner du savoir-faire français en matière d’artisanat (qui fut lui aussi logé dans les ailes du Louvre), des salons, etc. Ainsi, quelques très belles pièces ont fait le voyage à Abou Dhabi : le Centaure marin enlevant un silène (qui orna la fameuse fontaine des Ambassadeurs à Versailles), le Mercure attachant ses talonnières de Pigalle (1744) ou encore la splendide Pendule dite de « La création du monde » (1754), chef-d’œuvre de l’horlogerie française destiné à un prince indien, qui, après avoir été acquise par le gouvernement révolutionnaire en 1796, ne quitta finalement jamais la France, font partie de celles-ci.

S’il faut parfois être initié pour comprendre certains rapprochements établis par les commissaires, à l’instar du buste sculpté de Diderot par Houdon (1775) placé non loin de L’Oiseau mort de Greuze (1800), la confrontation d’œuvres de factures et d’époques différentes fonctionne particulièrement bien, y compris lorsque l’exposition convoque, pour évoquer la naissance du concept d’universalité, des pièces de cultures différentes : la statue égyptienne de Nakhthorheb en prière (595-589 av. J.-C.) ou celle, masculine, de l’île de Pâques (Moai Kavakava). Le visiteur est alors fin prêt à entrer dans les collections permanentes du Louvre-Abou Dhabi, dernier prolongement de l’histoire du Louvre, cette fois pour une expérience proprement universelle.
 

informations

« D’un Louvre à l’autre, ouvrir un musée pour tous »,
Louvre-Abou Dhabi, Quartier culturel de Saadiyat, Abou Dhabi (Émirats arabes unis), www.louvreabudhabi.ae

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°710 du 1 mars 2018, avec le titre suivant : Il était une fois le Louvre

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