Il est des signes qui ne trompent pas. La simple vue d’un tableau qui offre à voir un réseau tissé en chaîne et trame de papiers gouachés, fendus ou découpés, collés sur un fond déjà peint, signe d’emblée son auteur.
Cette pratique expérimentale issue de l’exemple matissien, exercée par l’artiste dans les années 1964-1965, puis développée sur le mode du « tressage » depuis cinquante ans tout en en déclinant des possibles chaque fois différents fonde son œuvre d’une marque personnelle absolument unique. Originaire de Montpellier, où il est né en 1943, installé dans l’Oise depuis la fin des années 1970 après avoir passé sept ans en Italie dont quatre à la Villa Médicis à l’époque de Balthus, François Rouan est un homme discret. Peintre donc, mais aussi dessinateur, photographe et réalisateur d’une vingtaine de films en dialogue avec ses travaux de peinture. Tout chez lui converge vers elle. On peut voir sur Internet un petit film qui en dit long de cette passion. On l’y voit assis à une table, échangeant avec son interlocuteur sur un ton qu’on pourrait croire désabusé alors qu’il ne l’est pas : « C’est étrange, dit-il, je fais de la peinture avec des mots, avec le langage... » Il parle de « capter de la durée » et souligne qu’il « travaille toujours sur les vitesses lentes ».
Une peinture incarnée
Son idée de tressage lui a permis d’imaginer une procédure qui, si elle met en pièces les images du réel qui sont à la source de ses tableaux, leur confère un pouvoir encore démultiplié. Mémoire et mythologie s’y entremêlent pour configurer les éléments d’une forme de poésie dont Dominique Bozo disait en 1983 : « François Rouan est sans doute de ceux qui, sortis de l’expérimentation, ont su très vite se constituer une poétique, c’est-à-dire une structure de pensée ouverte, autonome et adéquate à leurs ambitions. » Le tressage n’est pas qu’un simple procédé technique, il est une réflexion sur l’image, « sur la peinture, sur la perspective, l’épaisseur, le plan » (Isabelle Monod-Fontaine). En vérité, l’artiste est préoccupé par le vivant, du moins par l’ambiguïté qui procède de la question qui distingue le vivant de l’artificiel.
Ce qui charge la peinture de François Rouan d’un supplément d’âme, c’est qu’elle est pleinement incarnée. Dans ce rapport au corps dont il parle, que corrobore concrètement la présence de la figure féminine dans ses photographies et ses films et qui confère à son œuvre une dimension sensuelle prégnante. Comme il en est des exemples de la peinture italienne du Quattrocento qui l’a nourri et dont l’exposition « Un printemps à Sienne », à Rouen, opère en écho mémorable du temps passé là-bas. Comme il en est des différents travaux présentés dans le même temps au château de Hautefort, en Dordogne, dans ce perpétuel dialogue que l’artiste aime entretenir avec l’histoire et sa complexité feuilletée.
Peintures, dessins, estampes, photos, vidéos, installations sonores, François Rouan avoue que plus il aborde des pratiques différentes, plus il est persuadé de la nécessité et de la place du tableau. Dans tous les cas, il ne cache pas qu’il est, philosophiquement, pour le pluriel et que cela lui permet de respirer parce qu’il se dit que l’infini commence.
1943
Naissance à Montpellier
1965
École des beaux-arts de Paris
1971
Académie de France à Rome – Villa Médicis
1983
Rétrospective au Musée national d’art moderne
1987
Premières photographies
1994
Réalisation des vitraux dans l’église Saint-Jean-Baptiste de Castelnau-le-Lez (Hérault)
2013
Premier volet de l’exposition François Rouan à Hautefort
Il vit et travaille dans l’Oise
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François Rouan - Le complexe et le vivant
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Abonnez-vous dès 1 €« François Rouan. Un printemps à Sienne »
volet contemporain au sein de l’exposition « Sienne, aux origines de la Renaissance », jusqu’au 17 août. Musée des beaux-arts de Rouen (76). Ouvert tous les jours, sauf le mardi, de 10 h à 18 h.
Tarifs: 5 et 3 €.
Commissaire général : Sylvain Amic.
mbarouen.fr
« François Rouan au château de Hautefort. Saison III »
jusqu’au 11 novembre. Château de Hautefort (24). De juin à août, ouvert tous les jours de 9 h 30 à 19 h ; en septembre de 10 h à 18 h et en octobre de 14 h à 18 h. Du 1er au 11 novembre, ouvert les week-ends et jours fériés de 14 h à 18 h.
www.chateau-hautefort.com
Légende Photo :
François Rouan, Chambre VIII, (2014-2015), huile sur toiles tressées, 177 x 155 cm, collection particulière
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°681 du 1 juillet 2015, avec le titre suivant : François Rouan - Le complexe et le vivant