PARIS
Durant ses promenades au Louvre, le célèbre auteur de BD a photographié vingt-trois tableaux pour y peindre ses propres « fantômes ». Le résultat est exposé au musée.
Vincent Delaury : Que revêt de particulier pour vous cette exposition au Louvre ?
Enki Bilal : Mon exposition au Louvre est d’autant plus belle qu’elle est inattendue. C’est Henri Loyrette, le président du musée du Louvre [jusqu’en avril 2013], qui m’a donné carte blanche. Cette exposition est née d’un livre, Les Fantômes du Louvre, qui est lui-même inspiré par les collections du Louvre. Des œuvres me touchaient, et je ne voulais pas les intellectualiser. J’ai donc mené ce travail comme une enquête policière, comme un travail sur les faits divers. Mais attention, ce n’est pas un travail sur l’art : mon livre ne se prend pas au sérieux, ce qui ne m’empêche pas pour autant d’être précis.
Au Louvre, cet objet-livre est à sa place : il y est né, il y finit. L’exposition m’a pris deux mois de travail, l’objet-livre, un peu plus d’un an. Et maintenant que le concept est exposé, je savoure le fait d’être accroché au Louvre de mon vivant !
V.D. : Les tableaux du Louvre inspirent-ils votre travail ?
E.B. : Certains ont bien sûr un fort impact sur moi. La Jeune Orpheline au cimetière de Delacroix est un tableau obsédant. À 15 ans, j’ai vu pour la première fois Le Radeau de La Méduse, que je prenais pour un poncif de l’art ; cette rencontre m’a marqué à jamais. Récemment, un critique d’art écrivait contre ma peinture en soulignant que mes tableaux n’étaient que des cases agrandies, avec une narration invitant, comme en BD, à un avant et à un après. C’est absurde ! Le Radeau de La Méduse, qui s’appuie aussi sur un fait divers, est une image-somme qui invite inévitablement à un avant et à un après.
V.D. : Pour vous, la bande dessinée est-elle de l’art ?
E.B. : Oui, bien sûr. L’aspect distraction et lecture pour enfants a souvent porté préjudice à la bande dessinée. Mais la BD est devenue adulte. Les auteurs actuels méritent leur liberté et leur reconnaissance. Il y a certes encore des productions académiques et des séries formatées, mais il existe toute une zone de recherche et d’expérimentations qui fait de la BD un art. La BD d’auteur, qui évolue dans des registres différents (du livre à l’exposition, en passant par Internet), est un art. Au même titre que les productions d’art contemporain labellisées Buren, Hirst, Koons et consorts.
Prenez Moebius, bon nombre d’artistes contemporains ne peuvent rivaliser avec sa puissance visuelle ! Et prenez un Druillet, un Tardi ou un Nicolas de Crécy : ce sont des créateurs à part entière, de véritables auteurs alliant forme et fond. Je suis sûr qu’un Crécy passera prochainement à la peinture. De toute façon, il n’y a plus de frontières entre les arts, les barrières sont tombées.
Informations pratiques.
- « Quelques instants plus tard... », jusqu’au 3 février 2013. Musée de la bande dessinée d’Angoulême. Ouvert du mardi au vendredi de 10 h à 18 h et le samedi et dimanche de 14 h à 18 h. Tarifs : 6,5 et 4 €. www.citebd.org
Voir la fiche de l'exposition : Quelques instants plus tard... : Art contemporain et bande dessinée
- « Dalí par Baudoin », jusqu’au 24 mars 2013. Musée de la bande dessinée d’Angoulême. Ouvert du mardi au vendredi de 10 h à 18 h et le samedi et dimanche de 14 h à 18 h. Tarifs : 6,5 et 4 €. www.citebd.org
Voir la fiche de l'exposition : Dali par Baudouin
- « Enki Bilal. Les fantômes du Louvre », jusqu’au 18 mars 2013. Musée du Louvre. Ouvert tous les jours sauf le mardi de 9 h à 17 h 45. Nocturnes le mercredi et vendredi jusqu’à 21 h 45. Tarif : 11 €. www.louvre.fr
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Enki Bilal - « Je savoure le fait d’être exposé au Louvre de mon vivant ! »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°654 du 1 février 2013, avec le titre suivant : Enki Bilal - « Je savoure le fait d’être exposé au Louvre de mon vivant ! »