LE HAVRE
L’impressionniste et impressionnante collection d’Olivier Senn, riche amateur d’art havrais, fait l’objet d’une exposition au Musée Malraux suite à la donation de sa petite-fille.
Le Havre - De quoi rendre jaloux le Musée d’Orsay... En décembre 2004, Hélène Senn-Foulds, gardienne d’un formidable patrimoine légué par son grand-père, a fait don de 205 œuvres impressionnistes au Musée Malraux, au Havre. Ce cube de verre construit face à la mer est un écrin idéal pour les études de ciel d’Eugène Boudin. À côté de ces paysages, la collection d’Olivier Senn (1864-1959) témoigne de son goût subtil pour ses contemporains. « On aurait pu attendre chez un collectionneur plus convenu davantage de scènes de nus ou de chevaux », atteste Jean-Pierre Mélot, conservateur au Musée Malraux. Pourtant, « Senn est un pilier de l’art moderne ». Membre de la Société des amis des arts et fondateur au Havre du Cercle de l’art moderne, le riche négociant de coton ne s’est jamais laissé influencer dans ses choix. L’œil avisé d’Olivier Senn « ne sacrifie pas à la mode du moment ». En témoignent les œuvres à dominante impressionniste, mouvement artistique très controversés à l’époque. Aujourd’hui se dévoilent dans les espaces du musée les 71 toiles, 24 aquarelles, 22 pastels, 82 dessins et 5 sculptures issus de la collection de cet amateur éclairé. Le parcours chronologique s’ouvre sur deux peintures, les œuvres les plus anciennes possédées par Olivier Senn : La Mer à Pavalas (1854) de Gustave Courbet et Paysage à Champrosay (1849) d’Eugène Delacroix. « Commencer une collection avec Delacroix, maître de la modernité est un moment fort », souligne Annette Haudiquet, conservatrice au Musée. Suivent les grands noms de la peinture française, ainsi Camille Pissarro avec lequel Senn débuta sa collection, ou Albert Marquet et Félix Vallotton, ses poulains qu’il suivit et acheta régulièrement. En vente publique, il prendra possession du fonds d’atelier du néo-impressionniste Henri Edmond Cross ou encore de 47 pastels du jeune Edgar Degas, série qui fit scandale. À ses acquisitions impressionnistes – La Seine à Vétheuil de Monet, Le Loing à Saint-Mammès de Sisley, le Portrait de Nini Lopez de Renoir – s’ajoutent des toiles nabis, tels La Colline aux peupliers de Sérusier ou Intérieur au balcon de Bonnard. La palette des choix artistiques de l’amateur havrais atteindra toute la modernité de son époque, avec en particulier les fauves Marquet et Matisse.
« Des choix marginaux »
Olivier Senn enrichit sa collection d’œuvres charnières. « Il fallait un véritable amateur pour acheter ces dessins de Boudin, Guillaumin ou Degas qui n’étaient alors pas exposés », explique Annette Haudiquet. Des choix qui n’ont pourtant pas toujours été compris par son entourage. Lors du Salon des Indépendants de 1905, son beau-père Jules Siegfried lui offrira ce qu’il trouvait de plus « loufoque et déstructuré » : deux toiles d’André Derain ainsi que deux autres de Maurice de Vlaminck ! Cette anecdote, révélatrice de l’état d’esprit de la province face à l’avant-garde artistique de l’époque, ne rend que plus explicites les mérites du collectionneur.
Après les donations faites au musée du Havre des fonds d’atelier d’Eugène Boudin et de Raoul Dufy, ainsi que de la collection de Charles Auguste Marande, la donation Senn-Foulds vient enrichir de façon extrêmement significative l’ensemble d’œuvres des XIXe et XXe siècles de l’institution.
Jusqu’au 12 juin, Musée Malraux, 2, boulevard Clemenceau, 76 600 Le Havre, tél. 02 35 19 62 77, musee.malraux@ville-lehavre.fr, du lundi au vendredi 11h-18h, samedi et dimanche 11h-19h, fermé le mardi. Catalogue, 193 p., 30 euros ; hors-série de L’Œil, 36 p., 6 euros.
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De Courbet à Matisse : une collection inédite
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°213 du 15 avril 2005, avec le titre suivant : De Courbet à Matisse : une collection inédite