Histoire de l'art

ART MODERNE

Christian Bérard en lumière

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 15 mars 2022 - 526 mots

EVIAN

Figure artistique et mondaine du Paris d’avant-guerre, Christian Bérard s’est fait connaître par ses travaux pour le théâtre et la mode.

Évian. L’élégante scénographie – de Frédéric Beauclair – de l’exposition « Christian Bérard, au théâtre de la vie » s’accorde parfaitement avec son bel écrin, le Palais Lumière, ancien établissement thermal qui date du début du XXe siècle. Le charme de sa mise en scène – de nombreux projets de décors, des toiles, des maquettes, des affiches, des photographies, des documents audiovisuels et des témoignages – doit beaucoup au commissaire Jean-Pierre Pastori. Journaliste et écrivain, spécialiste des arts du spectacle, il est l’auteur de la biographie de l’artiste (Christian Bérard, clochard magnifique, Séguier, 2018).

Mais de quel Christian Bérard (1902-1949) s’agit-il ? « Peintre, illustrateur de mode ? Décorateur et costumier ? Stakhanoviste ou paresseux ? Mondain ? ou tout ça à la fois ? Ayant fait de sa vie une œuvre, il a fini par focaliser l’attention sur lui plutôt que sur ses créations », écrit Jean-Pierre Pastori dans le catalogue de l’exposition.

Curieux destin, en effet, de celui qui, à partir des années 1930, a été fêté par le Tout-Paris. Celui aussi qui a collaboré avec des personnalités du monde culturel et de l’univers de luxe. Décors et costumes – pour Louis Jouvet –, littérature – Jean Giraudoux, Jean Cocteau, René Crevel –, mode – Robert Piguet, Coco Chanel, Hubert de Givenchy ou la revue Harper’s Bazaar. Pourtant, tout commence autrement, par la peinture. Bérard commence sa carrière artistique à l’Académie Ranson où Édouard Vuillard et Maurice Denis sont ses maîtres. Puis, un voyage en Italie lui fait admirer la sobriété des personnages de Giotto et de Piero della Francesca. Aspirant à « être un grand peintre et faire quelque chose de beau », il s’attaque à l’art du portrait. Tout en gardant une facture et une composition classique, Bérard réussit parfois à donner à ses effigies une expression détachée, voire énigmatique (Portrait de René Crevel, 1925). C’est avec ces œuvres, à l’écart de l’abstraction et du surréalisme, que l’artiste participe en 1928, avec d’autres jeunes peintres figuratifs, à une exposition qualifiée par le critique Waldemar-George de « néo-humaniste ».

L’appel du théâtre

Toutefois, très rapidement, Bérard est attiré par la décoration et l’illustration. Introduit par Jean Cocteau – rappelons les spectaculaires costumes de La Belle et la Bête (1945) –, il se constitue un large réseau et travaille beaucoup : longue collaboration avec Louis Jouvet, costumes pour les ballets russes de Monte-Carlo, contrat avec Vogue, décorations de l’Institut Guerlain ou du salon de la comtesse Jean de Polignac… C’est surtout avec le théâtre que Bérard se montre le plus ingénieux en créant des décors mobiles, un système de paravents qui, en s’ouvrant et en se fermant, permet de transformer la scène ou de figurer deux lieux simultanément. Son imagination fantasque, ses dessins légers comme des esquisses, ses couleurs chatoyantes qui incarnent parfaitement l’esprit des Années folles ont influencé le paysage culturel français de l’entre-deux-guerres. Cependant, cette manière d’être en adéquation avec l’esprit de son époque marque aussi ses limites. Autant qu’un artiste, Bérard est un phénomène de mode. On le sait, rien ne se démode aussi rapidement que la mode.

Christian Bérard, au théâtre de la vie,
jusqu’au 22 mai, Palais Lumière, Quai Albert-Besson, 74500 Évian.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°584 du 4 mars 2022, avec le titre suivant : Christian Bérard en lumière

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