La deuxième édition du festival du Jeu de Paume, dédié aux formes nouvelles, décrit l’imaginaire de 15 artistes à travers des paysages.

Paris. La deuxième édition du festival du Jeu de Paume, consacré à la diversité des formes de l’image, initié en 2022 par Quentin Bajac a pour double ambition d’une part, « de réaffirmer l’attachement et le soutien du centre d’art à la création contemporaine », et d’autre part, « d’offrir plus de visibilité aux artistes peu ou pas exposés en France, mais aussi au commissaire indépendant invité à concevoir la programmation et à la carrière à mi-parcours », rappelle le directeur de l’établissement.
De fait, le principe fondateur d’associer un commissaire différent d’une édition à une autre, et un artiste de son choix, renouvelle le contenu de la programmation tant au niveau de l’exposition que des performances, soirées, concerts, visites en famille, rencontres, lectures musicales et ateliers, proposés tout au long de la durée du festival.
La commissaire et critique d’art Béatrice Gross (née en 1979) avait ainsi conçu, avec la sculptrice Katinka Bock (née en 1976), une édition inaugurale pointue sur la question de la perception à partir de propositions de vingt-six artistes davantage liés à la scène de l’art contemporain et américaine qu’à celle de la photographie. Plus de 60 % des pièces des vingt-six artistes sélectionnés avaient été produites ou coproduites par le Jeu de Paume et le budget alloué s’était élevé à 400 000 euros. L’exposition avait demandé aux visiteurs une attention soutenue et la fréquentation de cette première édition, intitulée Fata Morgana, n’était pas vraiment au rendez-vous.
Le profil de Jeanne Mercier choisie pour concevoir cette deuxième édition tranche avec celui de Béatrice Gross. Née en 1983, Jeanne Mercier, installée à Marseille, vient de la photographie. Fondatrice de la plateforme Afrique in Visu, et commissaire d’expositions, elle œuvre depuis plus de vingt ans à donner une visibilité aux photographes africains et du Maghreb sur leur propre continent et à l’international. Depuis longtemps, elle travaille aussi « avec des photographes qui s’intéressent au paysage et à la question de la réappropriation de son image véhiculée par le pouvoir colonial », souligne-t-elle. La question de la représentation des paysages (glacier, volcan, jungle, fleuve, île, désert, oasis…) et les visions, imaginaires et stéréotypes qu’ils génèrent est ainsi au cœur de l’exposition et du programme associé. Il y a peu de projets sur les deux niveaux du centre d’art : quatorze, un par salle et uniquement des installations dites « immersives », très récentes ou conçues pour le festival, exceptées pour la photographie grand format de Thomas Struth (né en 1954) de la série « New Pictures From Paradise », prêt du photographe, et l’adaptation par Mathieu Pernot (né en 1970) de « L’Atlas en mouvement », travail sur l’exil qu’il mène depuis plus de douze ans en collaboration avec des migrants. Le souhait de Jeanne Mercier de travailler avec l’autrice et scénariste Loo Hui Phang (née en 1974) – prix René Goscinny 2021 du scénario pour la BD Black-Out– pour élaborer une histoire avec un début et une fin à partir de ces œuvres, distingue également cette édition de la première. Ce projet a été conçu de manière à accompagner le public dans sa visite et à le questionner. Suivre d’ailleurs ce récit séquencé de manière à faire écho à chaque salle peut être une manière d’appréhender l’exposition, chaque salle disposant d’un cartel pour les enfants, placé à leur hauteur, pour les visites en famille.
« J’entends m’adresser au plus grand nombre et au jeune public », souligne Jeanne Mercier. Textes et cartels de salle ont été pensés dans ce sens. Les œuvres elles-mêmes sont bien plus accessibles à ceux qui ne sont pas des familiers de l’art contemporain. Placée en prologue, la photographie énigmatique de Julian Charrière (né en 1987) d’un paysage glaciaire plongé dans la nuit que l’éclat de lune éclaire donne le ton. Issue de son projet vidéo Towards No Earthly Pole (2019), elle interroge autant qu’elle retient le regard comme son installation sonore Disappear Bengkulu (2018) qui suit, métaphore sur l’exploitation en Asie du Sud des forêts de palmiers à huile. Certaines installations retiennent plus que d’autres, tel le film de 34 minutes de Mónica de Miranda (née en 1976) sur les transformations d’une femme qui descend le fleuve angolais Kwanza ou l’installation Le Nuage qui parlait de Yo-Yo Gonthier (né en 1974), le travail photographique de Richard Pak (en 1972) sur une île océanienne au faux air paradisiaque ou d’Andréa Olga Mantovani (née en 1985) sur les forêts des Carpates s’inscrivant dans la lignée des projets documentaires menés sur le long terme.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°650 du 28 février 2025, avec le titre suivant : Le Jeu de paume dévoile de nouveaux paysages