Arnaud Dezoteux à Sérignan, « peut mieux faire »

Sérignan (Hérault). Dans ce village au cœur de vignes, le Musée régional d’art contemporain (Mrac) Occitanie consacre une exposition personnelle à Arnaud Dezoteux et présente ses créations audiovisuelles les plus récentes. En dépit de la poésie et de l’humour qui émanent de ce corpus limité, les œuvres sont de puissance inégale et l’exposition laisse un arrière-goût d’inachevé.

C’est indéniable, Arnaud Dezoteux (né en 1987) n’apprécie guère les dérives consuméristes de la société contemporaine. Le titre de l’exposition du Mrac Occitanie, « Apprends et rêve », reprend d’ailleurs la terminologie des slogans publicitaires pour dénoncer les injonctions au bonheur de la spiritualité, sauce capitaliste. Déployée sur deux salles, l’exposition présente six œuvres récentes de l’artiste, l’une datant de 2021 et les autres de 2024.

Après les innombrables installations créées à partir de matériaux de récupération durant ces cinquante dernières années, concevoir une sculpture à base d’emballages relève du pari risqué. Malheureusement, les trois œuvres de la série « Sweet routine » ne suscitent pas l’amusement et la réflexion que leurs aînées avaient su provoquer. Qui plus est, on ne voit pas très bien ce qu’apportent les mappings projetés sur les sculptures. Cette série est un peu trop simple, tant du point de vue de sa réalisation que de la critique sous-jacente de la surutilisation du mapping.

Arnaud Dezoteux est plus convaincant dans le registre du documentaire truqué, lorsqu’il incruste un bestiaire animé à ses captations de l’environnement parisien. Niche, vidéo réalisée pendant le premier confinement, se focalise sur les bureaux de la Philharmonie, vus depuis la rue. Pangolins, chauve-souris et vers évoluent dans l’entreprise, apportant une fantaisie cocasse au réel. La vidéo reste cependant anecdotique : les plans s’enchaînent sans grande cohérence et ne tissent pas de fil conducteur suffisamment solide pour être mémorables.

C’est lorsque l’artiste prend son temps que sa poésie se révèle. Filmée à l’Atelier des Lumières, Somme se focalise sur des fragments du décor. Dezoteux prend le contrepied de l’immersion monumentale : il embarque le visiteur dans une contre-exposition qui se concentre sur les recoins de la salle où des souris animées dorment paisiblement. La valorisation de l’infime est l’aspect le plus touchant de son art. De ce point de vue, Tertre (voir ill.) est certainement l’expérimentation la plus aboutie. L’artiste balade sa caméra le long de la place du Tertre à Montmartre et immortalise les touristes, les devantures des galeries et, bien sûr, les caricaturistes. Le choix du bestiaire et leur incrustation dans les prises de vues est subtilement opéré. La représentation des artistes de la place est pleine de mélancolie. L’artiste appose une charogne sur l’épaule d’un artiste et dessine une souris grelottante à côté d’un caricaturiste attendant sous la pluie. Comme dans Somme, Arnaud Dezoteux guide le visiteur vers ce qui ne se donne à voir qu’en ralentissant. Sa caméra zoome par exemple sur un microcosme d’insectes produisant un concert sous la lumière des réverbères.

On aurait souhaité voir davantage de propositions dans la lignée de Somme et de Tertre dans l’exposition du Mrac et découvrir des œuvres plus anciennes de l’artiste. Le faible nombre de créations exposées est assez regrettable et laisse une sensation d’inabouti. Dommage, car Arnaud Dezoteux, malgré la qualité inégale de ses œuvres, a une démarche intéressante et promet de belles surprises pour la suite.