Ancienne directrice du Musée de la mode de la Ville de Paris (palais Galliera), Catherine Join-Diéterle est en charge du cours d’histoire de la mode et du costume depuis sa création en 2007 à l’École du Louvre.
L'oeil : Quels liens faites-vous entre art et mode dans votre enseignement à l’École du Louvre ?
Catherine Join-Diéterle : La mode est une branche des arts décoratifs, auxquels je fais souvent référence dans mon cours. Les couturiers se définissent plutôt comme des artisans, encore aujourd’hui. Mais nous, nous pouvons voir que les liens sont plus étroits. Le XXe siècle est le siècle où mode et art ont été vraiment liés d’une façon exceptionnelle. Quand le créateur Balenciaga fait inventer le tissu Gazar pour pouvoir véritablement sculpter ses robes inspirées des saints de Zurbarán, il fait œuvre de créateur. Quand la styliste Jeanne Lanvin crée des robes inspirées de la peinture de Fra Angelico à la suite de sa visite de l’exposition d’art italien en 1935 au Petit Palais, elle fait preuve d’une démarche artistique. Ces artistes vivent dans leur temps, assimilent des choses et les réinterprètent, dans l’art comme dans la mode.
L'oeil : Pourquoi la France accuse-t-elle un retard dans la recherche en histoire de la mode et du costume ?
C.J.-D. : Il s’agit avant tout d’un préjugé. La mode est frivole, changeante, féminine. Par ailleurs, la hiérarchie des arts, qui se met en place au XVIIe siècle, fait que la peinture et le dessin sont surévalués en France. Dans les pays nordiques, l’art au sommet de cette hiérarchie est la sculpture. Au Japon, le « trésor national vivant », représentant d’une tradition, est un potier. Mais depuis une quinzaine d’années, un effort est entrepris pour rompre avec cette approche, notamment par le travail des sociologues qui ont été les premiers à s’intéresser à la mode. Les historiens de l’art ont suivi ce renouvellement de la pensée.
L'oeil : Tend-on vers un modèle d’expositions globales, mêlant les matériaux et les disciplines artistiques ?
C.J.-D. : J’y suis favorable. J’apprécie le modèle des period rooms, propre aux pays anglo-saxons, qui permet de mieux comprendre la sensibilité d’une époque par une approche globale. Lors de la préparation de l’exposition « L’Antiquité rêvée. Innovations et résistances au XVIIIe siècle » au Musée du Louvre [en 2010-2011], j’ai proposé la présentation d’une robe sur laquelle des gravures à l’antique étaient cousues et que je savais conservée à Lyon. Mais, effectivement, ce n’est pas un type d’objet auquel les conservateurs pensent d’instinct. Les choses évoluent néanmoins, car le travail d’historien fondé sur des archives entrepris dans l’histoire de la mode et du costume rend celle-ci crédible. Historiens de la mode et historiens de l’art travaillent de la même façon.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Catherine Join-Diéterle « La mode n’est pas un isolat »
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°651 du 1 novembre 2012, avec le titre suivant : Catherine Join-Diéterle « La mode n’est pas un isolat »