Au mois de juin, se tient à Paris la deuxième édition du Mois de l’estampe. À cette occasion, ateliers, galeries et institutions s’unissent pour mieux faire connaître cet art au public. Nous avons sélectionné, dans le cadre de cette manifestation, mais aussi ailleurs, une série d’expositions montrant tous les visages de l’estampe. Sauf indications contraires, toutes les expositions ont lieu jusqu’au 30 juin.
ATELIERS
Atelier Franck Bordas (lithographie), passage du Cheval blanc, cour Février, 2 rue de la Roquette, 75011 Paris, tél. 01 47 00 31 61, mardi-samedi 14h-19h.
Depuis vingt ans, Franck Bordas a travaillé aussi bien avec des artistes attachés à la figuration, tels Aillaud, Arroyo, ou Cueco, qu’avec de purs abstraits comme James Brown. Ils seront au cœur de la présentation tournante célébrant, tout au long du mois de juin, le vingtième anniversaire de la maison. Seront notamment montrés les ouvrages de la collection Paquebot, recueils d’estampes conçus comme un cahier d’atelier ou un carnet de notes ou de voyages : ainsi Gilles Aillaud a-t-il ramené d’un séjour en Afrique des images proprement minérales de la faune et de la savane.
Atelier Albert Dupont (taille-douce), 13 rue du Dragon, 75006 Paris, tél. 01 42 22 72 05, lundi-vendredi 14h30-18h.
Parallèlement à ses collaborations avec Matta, Roy Lichtenstein ou Louise Bourgeois, Albert Dupont a développé une œuvre personnelle autour de la notion de signe, en inventant des objets insolites intégrant l’estampe. Il présentera pendant le Mois ses travaux les plus récents, notamment des gravures d’après Marcus Lüpertz illustrant un recueil du poète allemand Hans Magnus Enzensberger.
Atelier Jacomet (pochoir), à l’association Les Ateliers, 4 rue Froidevaux, 75014 Paris, tél. 01 43 21 15 10, lundi-vendredi 10h-18h.
Installé dans le Vaucluse, l’atelier Jacomet occupe en juin Les Ateliers, pour montrer le travail réalisé depuis dix ans. Des coloristes comme Olivier Debré, Arroyo ou Adami ont été naturellement séduits par le pochoir, autrefois pratiqué par Matisse, Braque ou Miró. Debré, par exemple, y a trouvé une technique adaptée à ses champs colorés, et a ainsi poursuivi, dans le domaine de l’estampe, ses recherches picturales.
Atelier Éric Seydoux (sérigraphie), 6 rue de l’Abbé-Carton, 75014 Paris, tél. 01 45 43 16 46, vendredi et samedi 14h-18h. Ses travaux sont exposés à la galerie Éric Dupont, 13 rue Chapon, 75003 Paris, tél. 01 44 54 04 14, mardi-samedi 14h-19h.
Éric Seydoux ne conçoit pas la sérigraphie comme un simple mode de reproduction. Aussi encourage-t-il les artistes avec lesquels il collabore à adopter une véritable démarche créative, passant notamment par une multiplication des supports : glace de 2 CV ou plaque d’acier pour Buraglio, sac de farine pour Viallat… L’expérience la plus inattendue a été menée par Jeff Gravis : il a emprisonné une couche de gros sel entre une plaque de cuivre et un verre sérigraphié, le sel et la sérigraphie se colorant sous l’effet de la corrosion et composant une œuvre vivante.
La Bête à cornes (lithographie), 50 rue du Faubourg du Temple, 75011 Paris, tél. 01 49 23 97 24, jeudi-samedi 16h-20h.
Cet atelier continue d’employer une presse à bras, dite la “Bête à cornes”, pour imprimer ses lithographies. L’attachement à la tradition ne l’empêche pas d’accueillir des artistes contemporains, comme Noriko Fuse ou Jean-François Péneau, qui viennent dessiner les pierres lithographiques et parfois impriment eux-mêmes leurs estampes.
“Tokyo-Paris” : Noriko Fuse, Emmanuel Aussedat, Daphne Gamble et Jean-François Péneau.
Atelier du Lys (pochoir), 10 rue des Thermopyles, 75014 Paris, tél. 01 45 43 16 58, lundi-vendredi 9h-18h.
Au bout d’une petite rue pavée du XIVe arrondissement, subsiste le dernier atelier parisien pratiquant le pochoir. Cette technique ancestrale, supplantée par des procédés plus modernes comme la sérigraphie, est devenue plus marginale sur le marché de l’estampe. Il faut donc saisir l’occasion d’assister à des démonstrations.
INSTITUTIONS
Bibliothèque nationale de France
“REGARD NOIR : GRAVURES-GRAPHZINES”, 16 juin-30 août, site Tolbiac, quai François-Mauriac, 75013 Paris, tél. 01 53 79 59 59, tlj sauf lundi 10h-19h, dimanche 12h-18h.
Véhicule ancien de la caricature et de la satire sociale, la gravure, parfois avec des moyens nouveaux, conserve aujourd’hui ce rôle libérateur et subversif. À côté des techniques traditionnelles, pourtant employées par des artistes qui, comme Robert Morris, se sont affranchis des supports habituels, existent des procédés plus modernes – l’offset, la photocopie ou la sérigraphie – auxquels ont recours les concepteurs de “graphzines”, ces petits albums d’images auto-édités, qui ne reculent devant aucune provocation et renvoient à la société l’image de sa violence.
“PIERRE COURTIN, LA GRAVURE TACTILE”, jusqu’au 27 juin, galerie Colbert, rue Vivienne, 75002 Paris, tél. 01 47 03 81 10, tlj sauf dimanche et jf 12h-18h.
Graveur, Pierre Courtin n’est pas l’interprète des autres mais un créateur à part entière, même s’il se compare à un “petit fonctionnaire”, à un homme de labeur. Malmenant la technique, il a préféré le relief au creux, la plaque de zinc au cuivre, le tactile à l’optique. Non content de graver, il fabrique lui-même ses encres et ses papiers, composants à part entière de son art. Griffées par le burin, ses gravures oscillent entre figuration et abstraction, évoquent quelque bas-relief antique, témoin d’une civilisation engloutie, érodé par le passage des siècles. Cette matérialité, appelant le toucher, le rapproche de certains de ses contemporains, comme Dubuffet ou Fautrier.
“ASGER JORN”, 17 juin-12 juillet, Maison du Danemark, 142 avenue des Champs-Élysées, 75008 Paris, tél. 01 44 31 21 75, mardi-samedi 13h-18h, dimanche et fêtes 14h-18h.
L’entreprise de “défiguration” menée par Asger Jorn (1914-1973) en peinture a trouvé un écho retentissant dans l’estampe. Membre du mouvement Cobra, l’artiste danois a pratiqué indifféremment la lithographie, la pointe sèche ou le bois gravé, recherchant l’équivalent de son langage pictural expressionniste, plein de rage et de violence. Une soixantaine d’estampes réalisées entre 1966 et 1973 seront présentées.
“JACQUES BELLANGE”, 11 juin-9 août, Cabinet des estampes, 5 promenade du Pin, 1204 Genève, tél. 41 22 418 27 70, tlj sauf lundi 10h-12h et 14h-18h.
Les soixante-dix estampes présentées à Genève, venues de collections publiques et privées, sont les derniers témoins de l’art de Jacques Bellange, qui fut d’abord peintre. Envoyé en France par les ducs de Lorraine, il découvre l’école de Fontainebleau, à laquelle il emprunte ses silhouettes féminines élancées et contournées, dont la petite tête est surmontée d’une coiffure savante. Le sentiment d’étrangeté est renforcé par le clair-obscur où baignent souvent ses figures. Sous sa pointe, le Maniérisme brille de ses derniers feux dans une exacerbation du raffinement et de l’artifice. L’artiste lorrain ne répugne pas pour autant aux détails triviaux, à l’instar de son contemporain Jacques Callot.
GALERIES
“LOUISE BOURGEOIS, HENRY MOORE”, jusqu’au 10 juillet, galerie Lelong, 13 rue de Téhéran, 75008 Paris, tél. 01 45 63 36 43, mardi-vendredi 10h30-18h, samedi 14h-18h30.
Les estampes de Louise Bourgeois cultivent des obsessions semblables à celles de ses sculptures : aux araignées en trois dimensions répondent les toiles tissées par l’insecte menaçant, d’où émanent un parfum d’angoisse et de terreur. De même, Henry Moore entend la gravure – qu’il développe essentiellement à partir de 1949 – comme le prolongement naturel de son œuvre de sculpteur. Celle que nous reproduisons témoigne de l’influence de Picasso dans son approche de la figure humaine.
“TOPOR, UN AN DÉJÀ”, jusqu’au 27 juin, galerie La Hune Brenner, 14 rue de l’Abbaye, 75006 Paris, tél. 01 43 25 54 06, mardi-samedi 11h-13h et 14h-19h.
On retrouve dans les estampes de Roland Topor – lithographie, linogravure ou taille-douce – son goût pour un univers étrange et provocateur, comparable aux visions surréalistes d’un Magritte. Les Nouvelles en trois lignes de Félix Fénéon, qu’il illustre en 1975, lui offrent ainsi un véritable répertoire d’histoires absurdes, mettant en scène une humanité grotesque et grimaçante.
“LES ESTAMPES DE SERGE POLIAKOFF”, jusqu’au 25 juillet, galerie Pixi, 95 rue de Seine, 75006 Paris, tél. 01 43 25 10 12, mardi-samedi 14h30-19h.
Alors que paraît le catalogue raisonné des estampes de Serge Poliakoff, la galerie Pixi propose une rétrospective de son œuvre gravé. Sont présentées une trentaine de lithographies, depuis la première, réalisée en 1946, jusqu’aux productions ultimes des années soixante. Souvent créées à l’occasion d’une exposition, ses estampes sont le fidèle reflet des jeux chromatiques abstraits de ses peintures et gouaches.
MIGUEL CHEVALIER à l’IESA, 5 avenue de l’Opéra, 75001 Paris.
Le numérique est-il une nouvelle voie pour l’estampe ? Il suffit d’une imprimante – couleur de préférence – et d’un lecteur de cédérom pour reproduire à l’infini les tableaux virtuels de Miguel Chevalier, motifs abstraits animés par des algorythmes.
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Ateliers, galeries, institutions : tous les visages de l’estampe
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°62 du 5 juin 1998, avec le titre suivant : Ateliers, galeries, institutions : tous les visages de l’estampe