ART CONTEMPORAIN

Ariane Loze, employée du moi

Par Gilles Bechet, correspondant en Belgique · Le Journal des Arts

Le 2 octobre 2024 - 589 mots

Le MAC’s donne à voir les vidéos de cette artiste qui démultiplie son image.

Boussu (Belgique). Il y a plusieurs Ariane Loze. Et elles sont toutes à l’écran. Dans ses films, la vidéaste et performeuse belge crée des espaces de dialogues entre des variations d’elle-même, des conversations qui font résonner avec humour et perspicacité la coquille vide du langage. Pourquoi disons-nous ce que nous disons ? Qu’est-ce que la banalité de nos mots dit de nous ? L’interrogation tient du dialogue philosophique. C’est par volonté d’autonomie que l’artiste, diplômée en mise en scène au Royal Institute for Theatre, Cinema and Sound (RITCS) de Bruxelles, a développé ce procédé à la fois souple et minimaliste où elle s’acquitte de toutes les étapes, de l’écriture, au tournage, à l’interprétation et à la post-production. Très vite, ce jeu de miroirs a montré toute sa pertinence pour évoquer l’uniformisation et la solitude de nos sociétés contemporaines qui nous poussent à être différents, tout en nous enjoignant à nous conformer aux mêmes standards.

Ariane Loze n’est pas pour autant conformiste. « Bien qu’on entend souvent que les gens vivent des expériences très différentes, il est important de respecter nos différences tout en reconnaissant nos similitudes », a-t-elle écrit.

Dans une étonnante auto-interview réalisée pour la télévision publique flamande, à l’époque de son exposition au Musée municipal d’art actuel – le SMAK–, elle joue le jeu des questions-réponses convenues dans les émissions culturelles, incarnant tout à tour l’intervieweuse et les multiples interviewées. « D’où vient votre inspiration », leur demande-t-on. « Des gens, des endroits et des espaces », répondent-elles.

Bonheur entrepreneur est une de ses pièces maîtresses. Elle a été captée lors de la performance réalisée au Théâtre de la Cité internationale à Paris. Les personnages qu’elle y incarne rivalisent de vacuité et de formules toutes faites inspirées par les manuels de management. Le décor est celui de la performance Le Banquet où douze personnes invitées à s’assoir autour d’une table de banquet reçoivent leur script de conversation composée de phrases que l’artiste a tissées comme un entrelacs aléatoire d’égocentrismes.

Dialogues à trois

Energeia est une vidéo commandée par le Musée des arts contemporains (MAC’s). C’est un triptyque qu’elle a commencé à tourner alors qu’elle était enceinte de son dernier enfant. Elle s’y interroge sur les transferts d’énergie entre la ville et le corps. Une petite vie à naître a besoin d’énergie, de la puiser dans la force vitale du flux qui l’entoure, de la ville en effervescence, de ses chantiers... Énergie fossile, énergie organique, il y a une circulation mais pas de déperdition, car dans un système clos, rien ne se perd. Les dialogues à trois qu’elle installe sont comme les pièces d’un puzzle de réflexions, intimes, métaphysiques ou d’encouragement à l’action.

Kolumba suit les traces d’un personnage soulagé d’avoir donné sa démission. En chemise, pantalon et pieds nus, celui-ci explore le vide qu’il s’est accordé, d’abord dans la Bruder-Klaus Feldkapelle, construite en plein champ à Wachendorf par l’architecte suisse Peter Zumthor. Elle poursuit son exploration intérieure en parcourant l’architecture contemporaine et épurée du Musée Kolumba à Cologne.

If you didn’t choose A You will probably choose B, tourné dans un Paris désert, joue avec les codes d’identification en vogue sur les réseaux sociaux et dévoile comment le chemin de nos déambulations est guidé par les algorithmes des intelligences artificielles.

Dans L’Archipel du Moi, réalisé à la demande de Kanal-Centre Pompidou, on la voit déambuler dans les espaces déserts des anciens ateliers Citroën à la recherche d’une nouvelle personnalité comme on chercherait un nouveau modèle de voiture.

Ariane Loze, L’Archipel du moi,
jusqu’au 3 novembre, MAC’s, Grand-Hornu, Boussu, Belgique.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°640 du 4 octobre 2024, avec le titre suivant : Ariane Loze, employée du moi

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