La création de vitraux contemporains pour la cathédrale Notre-Dame de Paris soulève la contestation et interroge le droit.
Paris. La volonté du président de la République et de l’Église de réaliser un geste contemporain dans la cathédrale Notre-Dame de Paris restaurée soulève l’ire de certains défenseurs du patrimoine. Il est vrai que c’est en dépit d’un avis négatif de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, émis en juillet 2024, que l’artiste Claire Tabouret a été désignée pour réaliser six nouveaux vitraux contemporains – sur les 120 existants – afin de remplacer ceux conçus par Eugène Viollet-le-Duc (1814-1879) dits « en grisaille » qui auraient perdu leur harmonie générale.
Plusieurs associations ont manifesté leur intention de saisir le juge dès que l’autorisation de travaux sera délivrée par l’autorité administrative. Mais cette demande résiste-t-elle aux arguments juridiques avancés par les « anti-vitraux » ?
La loi du 31 décembre 1913 a pour objectif de protéger les immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques. Cela justifie qu’un « immeuble classé au titre des monuments historiques ne peut être détruit ou déplacé, même en partie, ni être l’objet d’un travail de restauration, de réparation ou de modification quelconque, sans autorisation de l’autorité administrative » (article L. 621-9 du code du patrimoine). La difficulté est que la cathédrale a été classée sur la liste de 1862 : les grisailles créées en 1865 ne seraient pas couvertes par cette protection. Surtout, l’avis de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture n’est que consultatif et les vitraux de Viollet-le-Duc déposés ont vocation à être conservés dans le futur musée consacré à l’édifice.
Or rien n’est jamais joué d’avance, comme l’a démontré la validation des travaux des « colonnes » [Les Deux Plateaux] de Daniel Buren dans la cour d’honneur classée du Palais-Royal par le Conseil d’État en 1992. Ce dernier a estimé que la Rue de Valois n’avait pas porté au monument une atteinte incompatible avec les nécessités de sa protection. En effet, les « modifications autorisées [n’avaient] pas eu pour effet de rendre le classement sans objet et [n’étaient] pas l’équivalent d’un déclassement ». Bien que cette jurisprudence soit peu discutée en doctrine, il semblerait bien délicat que l’autorisation de travaux des futurs vitraux puisse à coup sûr être considérée comme illégale.
Au-delà, la Charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites de 1964, dite « charte de Venise », est brandie à tout va. Or son application par le juge administratif serait bien illusoire puisqu’elle n’a jamais été traduite dans le droit national, contrairement au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2016 (article L. 612-1 du code précité). Inscrite au titre du site « Paris, rives de la Seine » en 1991, Notre-Dame pourrait peut-être trouver une défense dans cette protection internationale.
Le débat est loin d’être clos, mais il est passionnant car la création d’aujourd’hui est le patrimoine de demain. La ministre de la Culture Rachida Dati aurait-elle raison en affirmant sur X (ex-Twitter) que « patrimoine et création doivent aller de pair, c’est ce qui fait la force d’une culture et la vitalité de notre modèle culturel » ?
Le contentieux à venir sera donc riche d’enseignements pour le droit du patrimoine culturel. Après tout, celui-ci donne une patine afin de sauver ce qui doit l’être et de rendre à la vie moderne ce qui ne doit pas l’être. Tel est son esprit : un héritage qu’on estime devoir conserver en l’état, pour son intérêt historique et artistique, comme témoignage d’une époque.
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Vitraux contemporains pour Notre-Dame : que dit la loi ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°647 du 17 janvier 2025, avec le titre suivant : Vitraux contemporains pour Notre-Dame : que dit la loi ?