PARIS
C’est l’une des informations issues d’un rapport de la Cour des comptes qui souligne par ailleurs le modèle original du centre d’art parisien.
Paris. Le Centre Pompidou, qui devrait fermer ses portes après les JO de 2024 pour d’importants travaux de rénovation, ne pourra pas se replier au Palais de Tokyo, comme certains l’envisageaient, car le centre d’art devra lui aussi fermer pour d’indispensables travaux, sans doute en 2025. Comme le soulignent les magistrats de la Cour des comptes dans un rapport récent sur le Palais de Tokyo, les problèmes d’étanchéité sont connus depuis longtemps et font l’objet depuis 2018 d’études régulières. En décembre 2021, l’opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (Oppic) avait rendu ses premières conclusions recommandant de réaliser ces travaux en site ouvert pendant dix ans. Mais une telle solution est apparue incompatible avec le fonctionnement du Palais, et une nouvelle étude, dont les conclusions sont attendues prochainement, planche sur le scénario alternatif d’une fermeture complète pendant un an (au minimum). Le coût des travaux est pour l’instant évalué à plus de 15 millions d’euros.
À la différence d’un musée (et plus encore d’un centre d’art), les ressources du centre reposent à plus de 60 % (63 % en 2019) sur ses recettes commerciales. De sorte qu’un plan décennal de travaux aurait nécessairement des conséquences sur ces recettes, plus importantes qu’une perte sèche pour un an de fermeture complète. Car le Palais de Tokyo est riche, très riche même par rapport aux autres lieux culturels. Il peut compter sur les redevances des restaurants et de l’usine frigorifique qui contribuent à hauteur de 19 % (en 2019) à ses ressources propres (2,2 M€), sur le mécénat en numéraire (2,4 M€), et évidemment sur la billetterie (1,7 M€). Ce sont cependant les recettes tirées de la privatisation des espaces (notamment pour les défilés de mode) qui lui rapportent le plus : 3,4 millions d’euros.
Mais malgré ses fortes recettes propres et sa forme juridique très particulière de société commerciale, une Sasu (société par actions simplifiée à associé unique, l’État) – alors que les opérateurs culturels ont habituellement le statut d’établissement public (Epic) –, le Palais de Tokyo reste très dépendant de sa tutelle qui lui verse bon an mal an près de 7 millions d’euros de subventions annuelles, plus des rallonges importantes en raison des confinements, et en 2022 encore. Ce statut hybride interroge, notamment concernant les règles déontologiques. La Cour pointe par exemple que « [ce] statut exonère […] ses dirigeants, en l’état actuel du droit, de toute obligation de recueillir un avis favorable de la HATVP [Haute Autorité pour la transparence de la vie publique] en termes déontologiques lorsqu’ils rejoignent le secteur privé, comme ce fut le cas au moment du départ de sa directrice, Emma Lavigne, pour la Bourse de commerce », poursuivant par un petit reproche, car l’État actionnaire et le conseil d’administration ont été informés de ce départ« par voie de presse ».
Les magistrats soulignent par ailleurs, mais pour la forme, les fragilités du modèle économique du Palais. S’ils craignent un effet ciseaux, avec d’un côté la hausse mécanique de la masse salariale (une centaine de salariés) et de l’autre un risque sur les recettes de mécénat consécutif à une plus grande attention portée sur l’éthique des mécènes, les ressources du Palais sont cependant solides. Et l’État actionnaire est présent, il l’a été pendant la crise sanitaire et le sera pour le financement des travaux. D’ailleurs, en 2021, la Sasu a dégagé un bénéfice de près de un million d’euros (0,95 M€).
On note une bienveillance inhabituelle de la part des magistrats de la troisième section de la troisième chambre à l’égard du Palais. Les auteurs semblent connaître parfaitement le sujet et ont remis un rapport fouillé. Il faut dire qu’ils sont en confiance, ils ont eu accès à de nombreuses informations chiffrées, notes et comptes rendus de débats, garantissant une transparence sur la gestion. Contrairement à celles des autres opérateurs de la culture, les conventions pluriannuelles d’objectifs sont très détaillées et font l’objet d’une évaluation précise par la direction du Palais (le salaire des présidents exécutifs est en partie lié à l’atteinte de ces objectifs). Et lorsque les magistrats se penchent sur ce qui est au fond le grand problème du Palais de Tokyo – sa fermeture au public pendant les privatisations –, ils communiquent des chiffres peu pertinents (on aurait aimé connaître par exemple le nombre total de jours d’ouverture de toutes les salles d’exposition).
Pour en revenir au Centre Pompidou, les magistrats livrent une réflexion de fond qui ne manquera pas de relancer le débat sur le sujet. Ils appellent de leurs vœux un « lien organique » avec « le principal public dédié à l’art contemporain » (celui du Centre Pompidou).
Le rapport de la Cour des comptes revient sur une information connue de certains mais qui a été peu médiatisée. Pendant quatre ans, de 2013 à 2017, un agent du Palais « agissant seul » s’est servi dans la caisse de la billetterie. Pas moins de 259 000 euros ont ainsi été volés, dont une partie (non précisée) a été remboursée par les assurances. À la même époque, l’un des restaurants concessionnaires du Palais a eu de graves difficultés de trésorerie et a dû déposer son bilan, laissant une ardoise de 507 000 euros au Palais de Tokyo.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Le Palais de Tokyo va devoir fermer un an pour travaux
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°607 du 17 mars 2023, avec le titre suivant : Le Palais de Tokyo va devoir fermer un an pour travaux