Julien Bargeton, architecte en chef de la « Cité de l’archi »

Paris. Que faire de la Cité de l’architecture et du Patrimoine ? C’est la question que se posent ses directeurs successifs qui peinent à trouver la bonne réponse et y restent (de ce fait ?) peu : François de Mazières (8 ans dont 4 avant l’ouverture), Guy Amselem (6 ans), Marie-Christine Labourdette (3 ans), Catherine Chevillot (3 ans). C’est aussi la question que se pose Julien Bargeton (52 ans) arrivé à la tête de la Cité il y a moins d’un an avec un regard différent de ses prédécesseurs : énarque, magistrat à la Cour des comptes, c’est un politique, il a été l’adjoint d’Anne Hidalgo avant de rejoindre Emmanuel Macron.

Le diagnostic est connu. Mal né en 2007 (Jacques Chirac s’en désintéressait au profit du Quai Branly, et son ministre de la Culture de l’époque Jean-Jacques Aillagon n’en voulait pas), la Cité doit assurer le rayonnement de deux domaines qui sur le papier ont du sens, mais dans les faits sont difficilement reliables : le patrimoine et l’architecture. Deux domaines qui, de surcroît, ne sont pas faciles à montrer au public. Le visiteur passe ainsi d’une copie grandeur réelle du portail de Moissac à une réplique d’une peinture murale romane pour enchaîner sur une série de maquettes racontant l’histoire architecturale du XIXe siècle à aujourd’hui. On est loin de se bousculer dans les allées. « Le lieu souffre d’un déficit de notoriété », reconnaît Lucien Bargeton qui se console avec la fréquentation de certaines expositions temporaires, telle celle de l’an dernier sur le métro.

Chacun des directeurs s’est accroché à l’idée légitime que tout le monde aime les sites patrimoniaux et veut les préserver, et au quotidien, aspire à vivre ou travailler dans des bâtiments beaux et confortables. Mais passer de la rue au musée est une autre histoire. Chacun a peu ou prou repris la ligne de son premier président qui indiquait en 2007 dans Le Journal des Arts, « La Cité est un outil culturel qui a une vocation du type du Centre Pompidou », et qu’il y avait en France un déficit de valorisation de l’architecture contemporaine.

Après avoir fait le ménage dans ses équipes et renouvelé une grande partie de son équipe de direction, le nouveau président est à la recherche d’une manifestation d’ampleur (une biennale ?) dans le domaine architectural, susceptible de marquer le site, lui assurer une renommée et en faire « la » maison des architectes ce qu’elle est loin d’être. Ce n’est pas gagné, ainsi Rachida Dati a annoncé récemment sa « nouvelle stratégie pour l’architecture » non pas à la Cité mais rue de Valois. Julien Bargeton souhaite aussi gagner en notoriété hors les murs, et réfléchit à une application géolocalisée nationale pour le grand public qui fournirait des informations sur les bâtiments inscrits ou classés.

La Cité dispose de nombreux atouts et opportunités. Elle est située dans une zone hypertouristique offrant une vue exceptionnelle sur la tour Eiffel. Le restaurant gastronomique dans ses murs rapporte ainsi plus de recettes que la billetterie. Sa thématique offre des sujets d’expositions temporaires passionnants comme « Le Mur de Berlin » (en mai prochain). Et comme l’indique le président « 50 % de l’architecture intervient aujourd’hui dans le bâti existant », renforçant le lien entre patrimoine et architecture. Enfin la fermeture pour travaux de ses concurrents – le Pavillon de l’Arsenal et bientôt du Centre Pompidou – lui offre la possibilité d’être le seul astre dans le ciel de l’architecture. Reste à bâtir une offre lisible et intéressante.