VENISE / ITALIE
Un accord commercial qui fait polémique permet à Manolo Valdés d’exposer treize sculptures sur la place Saint-Marc.
Venise. « Venise n’est plus qu’une vitrine où chaque lieu, qu’il soit public et privé, devient une occasion pour exposer. » La dernière « occasion » ainsi fustigée par l’association de protection du patrimoine Italia Nostra est la Biennale d’art de Venise, et le lieu public, la place Saint-Marc. Treize grandes statues de bronze y ont été installées à proximité du palais des Doges. Une installation intitulée Las Meninas s’inspirant de l’œuvre de Diego Vélasquez que l’on doit à l’artiste espagnol Manolo Valdés. Elle fait partie d’une exposition organisée par la Galleria d’Arte Contini, qui représente le sculpteur âgé de 80 ans.
Un geste artistique mais surtout un fructueux accord commercial pour Venise. Il a été signé avec Vela Spa, société liée à la municipalité et chargée des activités de marketing ainsi que des événements spéciaux qui sont organisés dans la ville. La galerie Contini déboursera 122 000 euros pour avoir le privilège d’exposer jusqu’au 15 juin prochain ces œuvres de Valdés sur l’une des plus célèbres places du monde. Une bonne affaire au regard du coût qu’elle aurait dû assumer pour disposer d’un « stand » au sein de la plus importante « foire internationale d’art contemporain ». Une affaire également pour Venise qui, outre le prix de la location de cet espace privilégié de la place Saint-Marc, recevra en donation une de ces sculptures de Valdés, Reina Maria, estimée par son galeriste à 500 000 euros. Elle lui sera livrée à l’issue de l’exposition sans contrainte de lieu ni frais d’installation pour l’administration.
Cette initiative a immédiatement provoqué une virulente polémique. Les critiques se sont multipliées sur les réseaux sociaux pour dénoncer ces « encombrantes et trop voyantes sculptures qui entravent la circulation » sur la place Saint-Marc, déjà submergée de touristes en temps normal. Sur sa page Facebook, Italia Nostra déplore la « biennalisation » de la cité lacustre. « Faut-il se réjouir de cette floraison d’expositions d’art et pas seulement temporaires (avec des palais entiers cédés à des collectionneurs) ? insiste sa section vénitienne. C’est toujours la même chanson : il vaut mieux que les palais tombent en ruine. On ferme les yeux sur les conséquences de cette “biennalisation” extrême de la ville. Les services pour les citoyens disparaissent et par conséquent les citoyens disparaissent. Et la ville disparaît. »
Le coût de cette « opération marketing » pour la galerie Contini fait également l’objet de critiques venant de l’association Mi Riconosci qui réunit des professionnels du secteur des biens culturels. Le prix de 122 000 euros peut en effet sembler modique au regard de « l’effet multiplicateur évident pour la galerie, étant donné la position centrale des sculptures, qui seront photographiées et diffusées sur les médias sociaux de manière démultipliée. Il arrive en outre de plus en plus fréquemment que des artistes fassent don de leurs œuvres aux communes en échange de leur exposition dans l’espace public. Il ne s’agit pas de générosité mais d’une volonté de validation et d’augmentation de leur cote sur le marché de l’art ». En réponse à toutes ces critiques, la municipalité de Venise s’est contentée d’un laconique commentaire : « La surintendance des biens culturels a donné son accord. »
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Italia Nostra dénonce la « Biennalisation » de Venise
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°631 du 12 avril 2024, avec le titre suivant : Italia Nostra dénonce la « Biennalisation » de Venise