Le photographe a passé sa vie à chercher, exhumer et détourner des images d’archives cinématographiques.
Connu pour ses photographies d’arrêts sur image étonnantes, l’artiste Éric Rondepierre est décédé d’un cancer au début du mois de novembre. Le photographe s’est éteint samedi 2 novembre 2024 et a été inhumé le 13 novembre au cimetière du Père-Lachaise à Paris.
Né en 1950 à Orléans, Éric Rondepierre ne s’est jamais revendiqué comme un photographe mais comme « un manipulateur » ou un « détourner d’images ». Diplômé des Beaux-Arts de Paris, où il s’est formé au dessin et à la gravure, agrégé d’arts plastiques et docteur en esthétique, l’artiste a passé sa vie à archiver et détourner des images d’archives cinématographiques. Ne passant jamais lui-même derrière l’objectif, il définissait son travail comme un « ensemble documentaire » composé d’images glanées dans les archives du Centre national du cinéma. Le texte étant pour lui aussi important que l’image, Éric Rondepierre a publié de nombreux ouvrages de fiction.
La littérature et le cinéma occupent une place prédominante dans son œuvre et l’ont conduit à évoquer Le Voyeur de Mickaël Powell (1960) comme source d’inspiration fondatrice. Parmi ses premières photographies, la série Le Voyeur (Plan de coupe), Excédents (1989) est constituée d’images énigmatiques, entièrement noires, ponctuées par les sous-titres des films (« - J’éteins ? - Non »). Après un passage par le numérique, le plasticien commence à utiliser ses propres images avec ses propres textes à partir de 2002 (Loupe/Dormeurs, Agendas, 1999-2003), acquises par le Musée national d’art moderne en 2006. Intéressé par tous les types d’images en mouvement, l’artiste a aussi réalisé des photographies à partir de films pornographiques (X6, série Moins X, 2003).
Mêlant une méthodologie d’archiviste et un regard de plasticien, Éric Rondepierre engageait une réflexion sur l’image-temps, un contrepoint de l’image-mouvement dans la lignée des écrits de Gilles Deleuze. S’intéressant aux « angles morts du dispositif cinématographique », il faisait sortir du cadre de l’action cinématographique. « L’arrivée du magnétoscope dans ma vie, à la fin des années 1980, a été un déclencheur à ma pratique photographique. J’ai été fasciné par la touche "arrêt sur image", et j’ai alors commencé à prendre des photographies de l’écran de ma télévision » expliquait-il.
Influencé par la peinture, l’artiste s’intéressait également à la matière photographique. Il récupérait des photogrammes et des pellicules argentiques abîmées qu’il utilisait sans retraiter l’image. Il se servait aussi du numérique comme d’un outil pour déformer les images : dans les séries DSL et F.I.J., il créait crée des « accidents visuels » pour accentuer le côté pictural.
Ses photographies sont conservées dans les collections du Musée national d’art moderne (Paris), du Museum of Modern Art (MoMA) de New York, de la Cinémathèque Française, à la Mep (Paris) et du County Museum of Art à Los Angeles.
Éric Rondepierre a été exposé au MoMA de New York en 1993 et en 1995 et a participé à la Biennale de Lyon en 1995 et en 2001. Il a été exposé à deux reprises au Centre Pompidou : à l’occasion de l’acquisition d’un fonds photographique de la Caisse des Dépôts, exposé dans « Les peintres de la vie moderne » en 2006, et pour l’exposition « Expérimentations photographiques en Europe des années 1920 à nos jours » en 2008. Plus récemment, deux expositions lui ont été consacrées simultanément à la Maison Européenne de la Photographie et à la Maison d’Art Bernard Anthonioz (MABA) à Nogent-sur-Marne en 2015.
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Éric Rondepierre, l’insatiable « archéologue » des images (1950-2024)
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