PARIS
La « grande dame de l’abstraction » est décédée jeudi 7 décembre, à quelques jours de ses cent ans.
Née le 5 janvier 1924 (et venue s’installer à Paris en 1947, après avoir fait l’école des beaux-arts de Budapest, sa ville natale) Vera Molnár avait l’habitude, chaque début d’année, de s’offrir un cadeau pour fêter son anniversaire. On imagine qu’en 2024, elle aurait marqué le coup. Mais elle ne le fera pas : elle est morte jeudi 7 décembre, dans un Ephad du 14e arrondissement à Paris où elle avait fait de sa chambre son dernier atelier.
Cent, c’est aussi le nombre de dessins sur le thème de la croix qu’elle avait réalisé entre janvier et avril 2023 et qui occupent actuellement (et jusqu’au 20 janvier prochain, du 17 au 30 novembre) tout un mur de la galerie 8+4. La croix a toujours été l’un de ses motifs récurrents qu’elle chérissait non pas en tant que signe religieux mais pour toutes les possibilités et les variations que l’intersection de deux lignes pouvait lui apporter.
Avec la croix, il y avait également le cercle, le carré et la ligne. Du premier, elle nous avait un jour confié : « j’ai une longue histoire tumultueuse avec le cercle. Ce n’est pas que je ne l’aime pas, mais je n’ai jamais été capable de le faire correctement. A main levée cela devenait patatoïde ». Le carré, elle l’avait rencontré, dans un livre sur Dürer (« le deuxième homme de ma vie ») dans lequel elle avait découvert La mélancolie avec, selon ses propres termes « une sorte de carré magique qui avait quelque chose à me dire. Ce petit machin me fait travailler depuis plus de cinquante ans ». Quant à la ligne, elle aimait répéter « pas un jour sans une ligne ».
Vera Molnár disait « la rencontre de la géométrie a bouleversé ma vie… J’adore la géométrie. J’adore tout ce qui n’a pas été fait par le bon Dieu et le bon Dieu, autant que je sache, n’a pas fait de géométrie. On ne voit pas de carrés dans la nature… Je nage, je rêve, je bouffe de la géométrie ». Malgré cela, elle préférait citer parmi ses références, Bonnard, Matisse, Klee (comme lui, elle adorait la musique, Bach, Bela Bartok…) et bien sûr Cézanne et sa montagne Sainte Victoire qu’elle aimait fréquenter avec son mari (François Molnár, décédé en 1993, chercheur au CNRS). Avec son éternel humour (dont son œuvre est nourrie), elle pouffait de rire en disant « Cézanne, j’ai déconstruit et reconstruit ses baigneuses. J’ai remis Cézanne sur pied. Plus de fesses, plus de dames ».
Vera Molnár participa, avec notamment son ami François Morellet, à la création du GRAV (Groupe de recherche d’Art Visuel) en 1960. Souvent qualifiée de « grande dame de l’abstraction », elle fit sa première exposition personnelle à Londres en 1976. Elle fut aussi l’une des premières, dès 1968, à travailler avec un ordinateur dont elle se servait comme un outil, comme un crayon pour réaliser ses dessins : une pratique à part entière au même titre que ses collages et tableaux, toujours dominés, en plus des jeux avec la géométrie, par les notions de hasard, de grain de sable, de décalage, de « presque rien de désordre » à l’exemple de ce beau titre « 1 % de désordre ou la vulnérabilité de l’angle droit » de son exposition, en 2016, à la galerie Berthet-Aittouarès, l’une de ses galeries avec Oniris à Rennes (depuis 30 ans), 8+4 à Paris, et tout récemment Ropac. Le Centre Pompidou lui consacrera une rétrospective à partir du mois de février.
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Disparition de Vera Molnár
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