PARIS
L’artiste britannique connu pour ses provocations expose sa série des Cerisiers en fleurs qui signe son retour à la peinture.
La nouvelle série de Damien Hirst est présentée comme un travail « exceptionnel » de peinture. Fruit d’un long processus de recherche sur la « célébration de la couleur et de la matière » et dont les Cerisiers en fleurs, ici exposés, seraient « l’accomplissement ». Accomplissement grâce auquel l’artiste se serait dégagé du « minimalisme » pour « explorer avec enthousiasme la spontanéité du geste pictural ». Voilà, en bref, ce que nous explique la médiation de l’exposition. À bien regarder les tableaux, nous demeurons toutefois perplexes quant au caractère « exceptionnel » de la proposition. Nous avons encore en tête les anciennes séries, comme les Spot Paintings de 1986 ou, plus récemment, les Veil Paintings (2018). Or, en les comparant aux Cerisiers en fleurs, la peinture d’Hirst nous apparaît moins singulière que répétitive, moins complexe que facile, moins profonde que provocante. On aura beau nous expliquer qu’il y a là une évolution – hier, tendance minimaliste ou mécanique ; aujourd’hui, tendance pointilliste ou gestuelle ; ici, couleurs acidulées, là, pastel –, nous n’y voyons qu’une même histoire de points colorés, ni captivante ni révolutionnaire : l’application basique d’un procédé formaliste et conceptuel que l’on retrouve décliné depuis les années 1980. Et le fait que ces tableaux peuvent valoir (très) cher n’enlève rien à leur caractère systématique et répétitif. Caractère duquel est absent ce qui fait le suc de la création : la remise en question, le changement, la tentative, la prise de risque, le défi de la complexité et de l’incarnation.
Bien sûr, on nous dira que cette série parle « de beauté, de vie et de mort », que cette recherche est un « hommage aux grands maîtres de l’impressionnisme, du pointillisme, de l’action painting » : la couleur de Van Gogh, le point de Seurat, le dripping et le format monumental de Pollock. Mais, à bien regarder les tableaux, il y a comme un vide immense qui sépare la proposition d’Hirst des maîtres qu’il prétend convoquer. Il ne suffit pas d’un tronc d’arbre sur fond bleu pour évoquer la fragile légèreté de l’amandier japonisant de Van Gogh, comme il ne suffit pas de poser des points de couleur pure pour obtenir la lumineuse vibration d’un Seurat, ou de projeter de la peinture sur une toile de grand format pour obtenir l’intensité dramatique d’un Pollock. Chez ces prédécesseurs, la forme est incarnée : moyen d’expression d’une sensation, lieu de correspondances avec le vivant.
À propos des Cerisiers en fleurs, on nous parle de jouissance, de beauté, de veine charnelle. Mais cette peinture demeure désincarnée. Trop littérale. Trop désinvolte. Trop tape-à-l’œil. On n’y ressent aucun renversement, ni physique, ni symbolique. Aucune transcendance. Aucun tremblement du temps. On n’y sent que l’odeur prégnante d’une peinture qui ne sèche pas tant l’artiste s’est juste fait plaisir à peindre en épaisseur. On n’y voit qu’un amas de matière et de coulures dans lequel la vie ne circule pas. Et l’œil, malgré la monumentalité des formats, ne cesse de fuir vers la sublime architecture qui s’ouvre au-dehors, où dansent arbres, vent et ciel bleu. Face à cette beauté-là, elle ne tient pas, cette peinture. Elle ne nous happe pas. Un point c’est tout.
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Damien Hirst : zéro… pointé
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°746 du 1 septembre 2021, avec le titre suivant : Damien Hirst : zéro… pointé