C’est sous ce vocable que sont classés, dans la terminologie des métiers d’art,
les professionnels de la restauration des tapisseries et tapis.
« L’origine du mot rentrayeur vient de la spécificité du travail, qui consiste à replacer “chaîne dans chaîne” les fils des tapisseries, explique Pierre Chevalier, de la société éponyme spécialisée dans la restauration de tapis et tapisseries. Très souvent, notamment au moment des successions, les tapisseries étaient, en effet, découpées en morceaux, il fallait donc les recoudre bord à bord… » Outre les outrages de cet ordre, les tapisseries subissent des altérations dues à des causes multiples : sécheresse ou humidité de l’environnement climatique, attaques parasitaires, poussière… D’où l’importance de faire appel à des professionnels. Le métier consiste à savoir retisser une tapisserie ou un tapis, à l’aiguille, après l’avoir au préalable nettoyée. L’intervention dépend toutefois de la destination de la tapisserie ou du tapis et de ses conditions d’exposition.
Restauration et conservation
Deux méthodes sont aujourd’hui en vigueur : la restauration classique, qui consiste en une remise en état. Dans ce cas, il faut souvent procéder à la recréation du motif d’origine, après avoir exécuté des recherches et des études. La seconde, la conservation, privilégie, quant à elle, le principe de réversibilité et consiste à interrompre le processus de dégradation. Exigée par les musées, cette méthode séduit aujourd’hui de plus en plus de collectionneurs privés. Certains restaurateurs indépendants rechignent encore à la pratiquer. « Ce n’est pas notre vision de la restauration, note Véronique Damamme, installée à Vieil-Baugé (Maine-et-Loire). Nous proposons à notre clientèle une restauration complète ou un tissage plus léger ». Chez Chevalier Conservation, à Colombes (Hauts-de-Seine), celle-ci est pratiquée par l’application d’une toile de lin au revers de la pièce sur laquelle sont cousues les reprises, parfaitement visibles en négatif. « Il suffit donc d’un scalpel pour tout enlever », précise Pierre Chevalier. Avec quarante-cinq salariés, Chevalier Conservation est l’une des premières entreprises à avoir obtenu le label « entreprise du patrimoine vivant ». Quatre générations se sont succédé à la tête de cette structure, créée en 1916 par le grand-père de Pierre Chevalier, marchand de tapis au Bon Marché. Lui-même vient de céder les rênes à son fils. Si 75 % de la clientèle est constituée par des particuliers, principalement dans le domaine du nettoyage de tapis, « part alimentaire de l’activité », l’entreprise est dimensionnée pour répondre également à des appels d’offres internationaux. C’est elle qui restaurera les tapis du futur département des Arts islamiques du Musée du Louvre. Récemment, ce sont aussi les tapisseries de Chagall de la Knesset (le Parlement israélien) qui ont été traitées dans les ateliers de Colombes, dans le plus grand secret. Depuis 2001, l’activité accuse néanmoins un repli, du fait de la faiblesse du dollar, mais aussi d’un changement de goût des collectionneurs, moins attirés par la tapisserie. Le profil du personnel de l’entreprise Chevalier est très hétérogène, allant du CAP à la maîtrise de sciences et techniques. « En matière de restauration, je ne crois qu’au travail collectif, à la confrontation d’idées », assène Pierre Chevalier. Pourtant la réalité du métier est plurielle. Outre ce type de structures industrielles, une quarantaine de professionnels exercent en France à titre individuel. C’est le cas de Véronique Damamme, qui a repris en 2007 l’atelier créé par sa mère en 1980. Toutefois, comme tous les professionnels de la restauration des œuvres d’art, ceux qui souhaitent travailler pour les collections publiques doivent être habilités, même si la réputation de certains ateliers leur permet parfois de contourner l’obstacle. Sans oublier la tradition de grandes manufactures françaises. Autre voie traditionnelle : celle de l’École du Mobilier national et Manufactures nationales des Gobelins, de la Savonnerie et de Beauvais, qui forme un nombre restreint de restaurateurs destinés à travailler dans ses ateliers, sous réserve de l’obtention du concours de technicien des métiers d’art du ministère de la Culture et de la Communication. Toutefois, peu d’apprentis sortent chaque année des formations. « C’est un métier à petit flux, précise Pierre Chevalier, par ailleurs président de la Société d’encouragement aux métiers d’art (SEMA). Il est donc inutile de former des chômeurs ». Même si certains artisans indépendants déplorent aujourd’hui de ne plus trouver d’apprentis.
- CAP Rentrayeur option tapis ou tapisserie. Durée : 3 ans - BMA arts et techniques du tapis et de la tapisserie de lisse. Durée : 2 ans - Centre de formation et d’apprentis de l’ameublement « La bonne graine », 200 bis, boulevard Voltaire, 75011 Paris, tél. 01 43 72 22 88 ; www.cfa-ameublement.org - Centre interprofessionnel de formation pour l’artisanat et les métiers – Chambre de métiers de Loire-Atlantique (Cifam), Place Jacques Chesné, BP 38309, 44983 Saint-Luce-sur-Loire Cedex, tél. 02 40 18 96 96 ; www.cm-nantes.fr - Diplôme de restaurateur spécialiste en rentraiture option tapis ou tapisserie. Durée : 4 ans. - Mobilier national et Manufactures nationales des Gobelins de la Savonnerie et de Beauvais, 1, rue Berbier du Mets, 75013 PARIS, tél. 01 44 08 52 00 ; www.culture.gouv.fr/culture/mobilier-national/formation.htm - Diplôme de restaurateur du patrimoine. Durée : 4 ans - Institut national du patrimoine-Département des restaurateurs, 150, avenue du Président Wilson, 93210 La Plaine-Saint-Denis, tél. 01 49 46 57 00, www.inp.fr - MST conservation restauration des biens culturels. Durée : 4 ans - Master I Conservation restauration des biens culturels, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 12, place du Panthéon, 75231 Paris cedex 05, tél. 01 44 07 80 00, www.univ-paris1.fr Ces deux derniers diplômes permettent d’obtenir l’habilitation pour travailler sur les œuvres des collections des musées de France. Celle-ci peut aussi être délivrée après validation de l’expérience professionnelle.
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°268 du 2 novembre 2007, avec le titre suivant : Rentrayeur