Profession

Conseil en acquisition auprès des entreprises

L’essor du mécénat culturel a suscité de nouveaux métiers pour guider les entrepreneurs

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 30 mars 2010 - 713 mots

L’art et l’entreprise feraient-ils bon ménage ? La multiplication de structures spécialisées visant à promouvoir la communication ou le management par l’art pourrait le laisser penser. Ils profitent de la promotion débridée du mécénat d’entreprise et, surfant sur l’ambiguïté entre sponsoring et mécénat, les agences spécialisées ont proliféré en quelques années.

Et orientent avec plus ou moins de succès les entreprises vers l’organisation d’événements artistiques, avec des bénéfices escomptés en termes de communication externe mais aussi interne, l’art étant censé fédérer les équipes autour d’un projet commun. « Notre porte d’entrée, c’est la communication, confirme Sandrine Freeman, économiste de formation et créatrice de la toute nouvelle société Ozeart. Il s’agit de savoir quelle image souhaite véhiculer l’entreprise, quelles sont ses valeurs. C’est à partir de cette connaissance-là que nous mobilisons ses dirigeants vers le soutien à des artistes, par le biais d’événements qui peuvent aboutir à des acquisitions. » Ozeart propose également à ses clients la constitution de collections par la mutualisation des acquisitions entre entreprises.
 
Au sein de ce marché du conseil – encore émergent malgré un coup de frein sévère dû à la crise –, le panorama paraît donc très hétérogène, entre agences d’événementiel, cabinets de relations publiques et conseillers en acquisition. Ces derniers sont finalement peu nombreux sur un secteur déjà occupé par d’influents courtiers qui, s’ils ciblent d’abord les collectionneurs privés, ne s’interdisent pas nécessairement de travailler pour des chefs d’entreprise…

C’est le pari tenté par Sacha Zerbib, président-fondateur de Conseil & acquisitions Art contemporain (CAAC). Si l’idée est bien d’intéresser les entreprises à l’art contemporain, son premier objectif vise à les accompagner vers un processus d’acquisition, en s’appuyant sur l’aubaine en matière d’optimisation fiscale de la loi de 2003, très incitative en faveur de l’achat d’œuvres d’art contemporain.

Une somme égale au prix d’acquisition de l’œuvre est en effet déductible, dans la limite de 0,5 % du chiffre d’affaires, à condition, toutefois, de ne pas l’exposer dans des bureaux exclusivement privatifs. Fort de ces arguments fiscaux, Sacha Zerbib, formé dans le sillage d’Alain Lamaignère, le fondateur du salon Art Paris, a ainsi pris son bâton de pèlerin pour instiller le virus de la collection aux chefs d’entreprise. Une tâche qui se révèle parfois ardue.

« Il a souvent fallu expliquer le b.-a.ba de l’art contemporain car beaucoup d’entrepreneurs y sont totalement étrangers », explique Sacha Zerbib, qui s’est associé dans l’affaire au critique d’art Pierre Sterckx, jadis conseiller en la matière pour le dessinateur Hergé. « Il y a un gros travail de conseil à mener sur le terrain, confirme Sandrine Freeman, notamment sur le plan juridique et fiscal. »

L’art « support de communication»
Comment fonctionne le marché, comment constituer une collection sont également des enseignements prodigués aux candidats, qu’il faut d’abord « décomplexer par rapport au monde de l’art », concède Sacha Zerbib. Vient ensuite une phase d’« écrémage » du marché, au cours de laquelle les conseillers sillonnent galeries et foires afin de pouvoir soumettre par la suite des propositions d’acquisition précises. Quitte à faire de la concurrence à des courtiers spécialisés déjà bien installés ?

« Un courtier ne choisit pas alors qu’un conseiller prend parti », précise Sacha Zerbib, qui envisage plutôt son travail comme celui d’un médiateur, avec un credo : soutenir de jeunes artistes – même si les médiums traditionnels, peinture et sculpture, restent les plus sollicités –, sans oublier d’évoquer la question de la valeur du placement à long terme. « L’idée d’investissement n’est évidemment pas étrangère à ces acquisitions. Les chefs d’entreprise ne souhaitent pas perdre au change. »

L’intérêt est de miser sur des jeunes pointures, susceptibles d’être un jour valorisées sur le marché de l’art. D’où, pour les entreprises, une certaine méfiance à s’engager sur ce terrain mal connu, d’autant que le secteur du conseil en matière d’art contemporain demeure brouillé par l’existence d’une pluralité d’acteurs.

Quelques galeries spécialisées n’hésitent ainsi pas à afficher des slogans accrocheurs à destination des entreprises, parlant de l’art comme « signe extérieur de culture », voire comme « support de communication à travers l’esthétique et la décoration ». « Il est vrai que l’on nous prend parfois pour des décorateurs, déplore Sacha Zerbib, mais nous travaillons d’abord sur de l’art. » La frontière entre communication et mécénat est décidément ténue.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°322 du 2 avril 2010, avec le titre suivant : Conseil en acquisition auprès des entreprises

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