Après sa désignation pour le pavillon français de l’édition 2021, l’artiste a été attaquée sur ses opinions politiques supposées.
Paris. Tout est parti d’un article publié dans Le Monde daté 24 janvier qui révélait que l’artiste choisie pour représenter la France à la prochaine Biennale de Venise est Zineb Sedira. L’artiste a confié au Journal des Arts qu’il s’agissait « d’une fuite, car personne ne savait que l’article sortirait ». Dès le 25 janvier, Jacqueline Frydman adresse une lettre au ministre de la Culture. Se présentant comme porte-parole de personnalités du milieu de l’art « à Paris et en France», la propriétaire et directrice du Passage de Retz (un espace d’exposition à Paris), proche de l’écrivain Bernard-Henri Lévy, appelle le ministre à renoncer à désigner Zineb Sedira pour le pavillon français. Le 28 janvier, un éditorial attaquant violemment l’artiste était publié dans le magazine conservateur Causeur. C’est un tweet de Bernard-Henri Lévy le 29 janvier publiant la lettre de Jacqueline Frydman qui a achevé de médiatiser la polémique jusqu’alors restée confidentielle. Dans les heures suivantes, les réactions publiques se sont multipliées dans les milieux connus pour leurs positions proches d’Israël (le CRIF [Conseil représentatif des institutions juives de France], le député UDI Meyer Habib).
Qu’était-il reproché à Zineb Sedira ? Son soutien supposé au mouvement de boycott d’Israël, BDS (boycott désinvestissement et sanction). En juin 2017, l’artiste avait en effet demandé le retrait d’une œuvre de la Biennale de la Méditerranée à Sakhnin en Israël. Elle a expliqué à maintes reprises que l’œuvre avait été prêtée sans son accord par le Frac Paca (Fonds régional d’art contemporain Provence-Alpes Côte d’Azur), et que les conditions d’exposition n’étaient pas optimales (une partie des œuvres de la Biennale étaient exposées dans des commerces et chez des particuliers). Ce retrait, comme celui demandé par d’autres artistes (Bouchra Khalili, Yto Barrada), avait à l’époque été soutenu par une branche du BDS, sans que les artistes ne se revendiquent du mouvement. La lettre de Jacqueline Frydman comme l’éditorial de Causeur suggérent en outre que l’artiste cautionne les dérives « antisémites » du BDS, des accusations « infamantes » selon l’intéressée. L’éditorial de Causeur affirme enfin que le processus de désignation pour le pavillon français a été « opaque ». Un des membres du comité de sélection précise cependant qu’il n’y a « rien d’opaque dans le statut ni le choix du comité ».
Manifestement, le but de ces attaques était de faire pression sur le ministre de la Culture, comme le montre le titre de l’éditorial de Causeur : « Pourquoi Zineb Sedira ne doit pas représenter la France à la Biennale de Venise ». Les pressions ont également pris pour cible le galeriste de l’artiste, Kamel Mennour, et Zineb Sedira confie que « ces attaques visaient à [la] faire renoncer, et à ce que le ministère de la Culture rejette [sa] désignation ».
À la date du 29 janvier, lorsque l’artiste a publié un communiqué repris par l’AFP, sa désignation n’était toujours pas officialisée : ses détracteurs espéraient alors un revirement. Le communiqué, rédigé « en accord avec le conseil de la galerie et le ministère de la Culture », réaffirme l’opposition de l’artiste au boycott d’Israël, condamne le BDS et rappelle qu’elle avait déjà exposé en Israël. Le ministre de la Culture et celui des Affaires étrangères ont finalement annoncé conjointement la désignation de Zineb Sedira le 30 janvier, en renouvelant leur soutien à l’artiste. Un deuxième éditorial paru dans le Causeur daté 31 janvier a tenté de relancer la polémique, sans succès.
Le 10 février, Zineb Sedira a transmis aux médias un deuxième communiqué, car le précédent avait été « tronqué » par l’AFP selon l’artiste. Elle y affirme à nouveau son soutien au peuple palestinien et confirme sa participation à la Biennale 2021. Ce communiqué clôt – provisoirement – une séquence de deux semaines où le politique a pris le pas sur l’artistique.
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Zineb Sedira et la Biennale de Venise, retour sur une polémique de nature politique
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°539 du 14 février 2020, avec le titre suivant : Zineb Sedira et la Biennale de Venise, retour sur une polémique de nature politique