Alors que le procureur veut restituer certaines œuvres à Cornelius Gurlitt, le parti SPD de Bavière suggère la création d’un « Musée Gurlitt ».
BERLIN - L’affaire Gurlitt n’en finit pas d’enflammer la presse allemande, avec son lot de rebondissements quotidiens. Dernier en date, le parquet d’Augsbourg a affirmé souhaiter rendre le plus rapidement possible à Cornelius Gurlitt certaines œuvres. Les spéculations sur le nombre d’œuvres concernées vont bon train, immédiatement suivies de démentis. « L’examen de la provenance des œuvres a permis l’identification de celles appartenant sans l’ombre d’un doute au prévenu. Une restitution immédiate pourrait lui être proposée. J’ai prié le groupe de travail nouvellement constitué de me nommer le plus rapidement possible ces œuvres d’art », a déclaré le 19 novembre dernier Reinhard Nemetz, procureur général d’Augsbourg. Bien qu’aucun détail supplémentaire n’ait été fourni, il pourrait s’agir d’œuvres créées après 1945 ou bien encore d’œuvres acquises avant 1933. Dans la collection figureraient également des œuvres d’un peintre de la famille.
Ronald S. Lauder, président du Congrès mondial juif, a immédiatement critiqué cette décision : « Après avoir caché la découverte des œuvres pendant près de deux ans, il semble à présent que [le procureur d’Augsbourg] souhaite se débarrasser du problème qu’il a été incapable de régler pendant longtemps. C’est irresponsable. » Il ajoute que l’affaire devrait être traitée au plus haut niveau politique, et non par un simple procureur du Land de Bavière.
Publication de la liste des œuvres spoliées
Le groupe de travail dirigé par Ingeborg Berggreen-Merkel a par ailleurs dévoilé plus de détails sur les œuvres saisies à Munich en février 2012. Sur les 1 406 œuvres, environ 590 pourraient être des biens spoliés par les nazis. La liste complète des œuvres de provenance suspecte sera publiée sur le site www.lostart.de, a annoncé Ingeborg Berggreen-Merkel le 14 novembre dernier. 79 œuvres au total figurent déjà sur ce site. La publication de ces œuvres ne fait pas l’unanimité en Allemagne, pays où la protection des données privées est sacrée. Le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung déplore notamment qu’on en demande plus aux personnes privées qu’aux institutions, qui ne rendent pas publique la liste des œuvres de provenance douteuse. Isabell Zacharias, porte-parole pour les affaires culturelles du SPD le parti d’opposition au parlement de Bavière, affirme par ailleurs que le Land de Bavière doit endosser une responsabilité particulière pour la sûreté des œuvres rendues à Gurlitt. « Est-ce que des œuvres valant plusieurs millions doivent simplement être ramenées dans l’appartement de Schwabing ? », s’interroge-t-elle. Elle suggère la création d’un Musée Gurlitt pour héberger cette collection et en assurer la sécurité.
Cornelius Gurlitt avait pourtant écarté une option muséale pour ses œuvres dans une interview à l’hebdomadaire Der Spiegel. « Les musées possèdent déjà suffisamment de tableaux », avait-il déclaré, avant d’ajouter qu’il ne souhaitait rien d’autre que les siens lui soient restitués. Il avait également affirmé ne vouloir rendre aucune œuvre de son plein gré. Suggestion inacceptable pour le ministre de la Justice du Land de Bavière, Winfried Bausback, qui a d’une part demandé publiquement l’ouverture d’un dialogue avec Gurlitt pour la restitution des œuvres spoliées aux ayants droit, et d’autre part prépare une « Lex Gurlitt », une loi à effet rétroactif qui annulerait le délai de prescription entravant juridiquement cette restitution.
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Un musée pour le trésor de Gurlitt ?
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Abonnez-vous dès 1 €Une des oeuvres découvertes chez Cornelius Gurlitt : Franz Marc - Pferde in Landschaft (Chevaux dans un paysage) - Circa 1911 - source Wikimedia
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°402 du 29 novembre 2013, avec le titre suivant : Un musée pour le trésor de Gurlitt ?