Négligeant le dynamisme contemporain, le volet culturel de l’« Année du Mexique en France » s’ancre dans une vision classique et patrimoniale bien peu novatrice.
Fallait-il, dans le cadre d’une saison culturelle consacrée au Mexique, ressortir pour la énième fois le couple – certes mythique – Frida Kahlo et Diego Rivera ? Prévue au Musée de l’Orangerie, à Paris, « Frida Kahlo et Diego Rivera : l’art en fusion » (5 octobre), dont le titre ne craint pas l’usage pompeux d’un cliché éculé, entend présenter parallèlement leurs trajectoires artistiques grâce à des œuvres en provenance du Museo Dolores-Olmedo, institution qui, à Mexico, met en scène… la relation du couple ! Si elle a toutes les chances d’attirer un large public, cette exposition est symptomatique des choix de programmation opérés pour cette saison culturelle. Ceux-ci privilégient manifestement une vision traditionnelle, patrimoniale… et rassurante du Mexique, à une époque marquée par l’inquiétante vague de violence suscitée par le narcotrafic, face à laquelle l’actuel gouvernement paraît impuissant. Ce faisant, la très forte vitalité de la création contemporaine, dont la diversité aurait pu permettre d’aborder en profondeur le dynamisme et la complexité fascinante du pays, est pour le moins délaissée. Moins du quart du programme est en effet consacré à la création actuelle : une portion congrue pour ce type de manifestations ! C’est d’autant plus regrettable que les événements dédiés au Mexique « classique » n’ont pas manqué, à commencer, en 2000, par la remarquable exposition « Soleils mexicains », qui dressait au Petit Palais, à Paris, un portrait du pays depuis l’art précolombien jusqu’aux années 1990. Diego Rivera aura les honneurs d’un second accrochage, à la Galerie des beaux-arts de Bordeaux (« Diego Rivera, de Mexico au Paris des cubistes », 10 mars), tandis que son contemporain Rufino Tamayo, bien moins connu en France, sera à l’affiche du Petit Palais (« Tamayo et le Mexique », 28 septembre).
En remontant au XIXe siècle, la Maison de l’Amérique latine, à Paris, allèche avec une monographie consacrée au formidable et totalement singulier portraitiste Hermenegildo Bustos (« Moi, peintre, Indien de ce village : Hermenegildo Bustos », 12 mai). Alors que le Musée d’Orsay se penchera sur le bouillonnement politique de l’époque grâce à des œuvres en provenance de la belle collection du Museo nacional de Arte, à Mexico (« Sous le volcan. L’art au Mexique de l’indépendance aux révolutions, 1810-1920 », 5 octobre). La persistance de formes traditionnelles s’annonce par ailleurs insolite, avec une centaine d’ex-voto accrochés au Musée d’Allauch, près de Marseille (« Petits miracles à Mexico. Ex-voto mexicains contemporains », 27 mai).
Mises en scène débridées
Dans le domaine archéologique, « Les masques de jade mayas », à la Pinacothèque de Paris, apparaissent tel un « blockbuster » sans risque (28 février), pendant que le Musée gallo-romain de Saint-Romain-en-Gal (Rhône) s’intéressera au « Cultures antiques de Veracruz », 18 février). Convaincu de la nécessité de donner à voir différents aspects et périodes de la photographie mexicaine, François Hébel, directeur des Rencontres d’Arles, promet d’y consacrer un tiers du programme de l’édition 2011 du festival (4 juillet). À côté d’un retour sur la révolution mexicaine, dont on vient de fêter le centenaire, l’exposition « ABCDF » se focalisera sur la mégapole de Mexico. Graciela Iturbide – que la Galerie Vu’, à Paris, convie également pour un ample accrochage le 4 novembre – sera de la partie. De même que Daniela Rossell avait quelque peu fait polémique avec la série Ricas y famosas (1999-2002), portraiturant à travers des mises en scène débridées des jeunes filles riches issues d’éminentes famille dans les décors opulents de leurs environnements quotidiens. Dans le secteur contemporain, la manifestation la plus ambitieuse sera à voir à l’ARC/Musée d’art moderne de la Ville de Paris, qui, en collaboration avec le Museo Amparo, à Puebla, concocte « Mexicall. Regards de jeunes artistes mexicains » (10 juin). Avec une quinzaine de protagonistes – parmi lesquels Gonzalo Lebrija, Mario Garcia Torres, Adriana Lara, Jorge Satorre, Edgardo Aragón, Bayrol Jimenez ou le collectif Tercerunquinto –, l’exposition entend relever, au-delà de préoccupations d’ordre géographique ou générationnel, les problématiques majeures caractéristiques de la production artistique mexicaine des dix dernières années. À Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), en prélude à une résidence en 2012, le Grand Café offrira ses espaces à Abraham Cruzvillegas. En y déployant les fragments de son vaste projet Autoconstrucción, l’artiste interrogera le développement à la fois anarchique, chaotique et vernaculaire de l’architecture au Mexique (24 juin). Figure rare et inclassable, Francisco Toledo sera visible avec des lithographies et des bois gravés à l’Atelier Clot, Bramsen & Georges, à Paris (3 février).
Résidences et ateliers
Des résidences et ateliers seront parallèlement organisés. Alors que Carlos Amorales et Pedro Reyes seront invités au printemps au Mac/Val, à Vitry-sur-Seine. Le FRAC des Pays de la Loire, à Carquefou, ouvrira à l’automne ses XXVes Ateliers internationaux à six jeunes créateurs et un curateur mexicains. Il était manifestement nécessaire d’étoffer le programme contemporain pour avoir osé y inclure l’exposition « Geste serpentine et autres prophéties », ouverte depuis le 15 janvier au FRAC Lorraine, à Metz (lire p. 13). Celle-ci ne développe en aucun cas une problématique mexicaine, n’était-ce la présence, parmi une dizaine d’artistes, d’Iñaki Bonillas – à l’œuvre intéressante au demeurant. Il faut espérer que ce type de « bricolage » navrant ne se généralise pas dans les saisons culturelles, parce qu’il conforte le principe de la dilution généralisée dans un monde globalisé.
Commissariat général mexicain : Enrique Perret, commissaire général ; Dolores Beistegui et Anna Schober, commissaires générales adjointes
Commissariat général français : Jean-Jacques Beaussou, commissaire général ; Christian Moire, commissaire général délégué au Mexique ; Silvia Balea, commissaire générale adjointe
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Un Mexique traditionnel
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°340 du 4 février 2011, avec le titre suivant : Un Mexique traditionnel