MONDE
Une association américaine invite les interns à révéler leurs revenus sur un tableur public récemment mis en ligne.
L’emploi de stagiaire est parfois synonyme de main-d’œuvre gratuite. Pour révéler l’ampleur de cette pratique dans le secteur culturel mondial, la conservatrice des arts décoratifs contemporain du Musée des Beaux-Arts de Boston, Michelle Millar Fisher, a publié un document web sur lequel les stagiaires peuvent anonymement renseigner leur rémunération. En fin de semaine passée, les 0 $ dominaient.
Le groupe Art + Museum Transparency, dirigé par Michelle Millar Fisher, avait déjà lancé une initiative début juin concernant les salaires des employés de musées en employant une plateforme similaire. Le mode de fonctionnement du nouveau document, Art + Museum Transparency End Unpaid Internship Spreadsheet, est identique.
Les interns, l’équivalent des stagiaires français, remplissent un formulaire où ils indiquent plusieurs informations socio-économiques, leur lieu d’emploi, leur poste, l’année et la durée de leur stage ainsi que leur indemnité. Ces données sont ensuite transférées sur un Google Sheet public pour comparer les politiques salariales des employeurs.
Vendredi 19 juillet, 180 stagiaires avaient participé à l’enquête. La majorité d’entre eux étaient américains, mais quelques européens et canadiens ont aussi répondu à l’appel. Les données fournies sont contrastées. Là où un stagiaire au Musée des Beaux-Arts de Boston indique avoir gagné 850 $ mensuels - approximativement les indemnités minimum des stagiaires aux Etats-Unis -, un stagiaire du Met écrit n’avoir rien perçu durant ses 6 mois de stage.
Cette situation est possible aux Etats-Unis, contrairement à la France où, lorsque la durée d’un stage dépasse 2 mois, l’entreprise d’accueil est légalement contrainte de verser une indemnité mensuelle de minimum 570 euros.
De fait, les interns américains peuvent être employés de 1 à 12 mois (avec 40 h de travail hebdomadaire à temps plein) sans que leurs employeurs ne soient obligés de les rémunérer, ni de les embaucher au terme du contrat de stage.
Puisqu’un internship doit être réalisé dans le cadre d’études supérieures, les stagiaires doivent par ailleurs payer des frais de scolarité souvent très élevés. Ainsi, l’enquête rapporte que plusieurs étudiants ont dû exercer un autre métier en dehors des horaires de travail pour rembourser leur prêt (32 000 $ en moyenne). Une situation qui révèle un problème d’élitisme : la plupart du temps, seuls les plus aisés peuvent se permettre de répondre à une offre de stage non rémunérée.
Cette pratique « endémique » de travail gratuit entraîne également un nivellement par le bas des salaires muséaux, selon Michelle Millar Fisher. « Si la paye d’entrée dans une institution culturelle est de 0 $, il peut paraître normal que le premier revenu en tant que salarié soit faible souligne la conservatrice avant d’affirmer que la suppression totale du travail non rémunéré est nécessaire au changement des politiques salariales ».
Actuellement, les cas de stages non rémunérés constituent la majorité du Art + Museum Transparency End Unpaid Internship Spreadsheet (122/180). Et ce même parmi des institutions aussi dotées que le Brooklyn Museum, la National Portrait Gallery et la Tate Modern.
Ces données sont toutefois à prendre avec précaution puisque Michelle Millar Fisher n’a pas indiqué comment elles seraient vérifiées ni synthétisées.
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Un Google Sheet pour recenser les indemnités des stagiaires
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