PARIS
PARIS [26.08.15] - Il y a un an, la secrétaire d’Etat chargée du commerce extérieur et du tourisme était propulsée à la Culture après le départ fracassant d’Aurélie Filippetti. Peu préparée à cette fonction, Fleur Pellerin n’a pas encore vraiment imprimé sa marque...
Si l’on interrogeait « l’homme de la rue » sur ce qu’il retient de Fleur Pellerin, un an après son arrivée Rue de Valois, nul doute qu’il mentionnerait la grève à Radio France, la bourde de la ministre qui a lâché sur Canal « qu’elle n’avait pas beaucoup le temps de lire » et le recasage d’Agnès Saal. Trois épisodes peu gratifiants pour la ministre mais qui ne reflètent pas vraiment son bilan.
Du coup, les Français ne sont que 25 % à porter un jugement favorable sur son action en juillet 2015 (baromètre IPSOS / Le Point), soit deux points de moins qu’à son arrivée. Même Aurélie Filippetti avait su garder ses 29 % d’opinions favorables un an après sa nomination. Les Français aiment les ministres qui ont le verbe haut et savent renvoyer une image flatteuse de la Culture, c’est-à-dire un peu d’eux-mêmes. Ils aimaient bien pour cela Frédéric Mitterrand qui culminait encore à 47 % d’opinions favorables lors de son premier anniversaire.
Les attentats contre Charlie Hebdo en janvier auraient pu regonfler sa côte de popularité, comme ce fut le cas pour François Hollande ; la liberté de la presse c’est d’abord son territoire. Mais elle n’a pas su trouver sa place médiatique, coincée entre le président et le ministre de l’Intérieur et c’est ce dernier qui a surtout tiré profit de la gestion de l’après.
La politique est ingrate. Les intermittents du spectacle n’ont pas perturbé les festivals de l’été grâce (en partie) à « la feuille de route » rédigée avec François Rebsamen, mais personne ne lui en fera crédit. Mais à l’inverse, si ces derniers devaient s’agiter pendant les discussions à venir sur la nouvelle convention (l’actuelle se termine en juin 2016), Fleur Pellerin serait la première à en faire les frais.
Pourtant la ministre bosse beaucoup, son agenda est toujours plein et elle avale des milliers de notes techniques. Ainsi elle s’implique beaucoup dans le dossier à tiroirs de l’audiovisuel et du numérique. Un dossier très technique et complexe au carrefour du droit, de l’économie et de la création. Mais c’est un travail peu compréhensible pour le grand public qui est même très content que Netflix débarque en France et offre des milliers de films pour une poignée d’euros, sans comprendre les impacts sur la création française. Dans le même temps la ministre, déjà handicapée par une image « très techno » n’a pas encore mis son nom sur un grand projet très identifiable par le public et qui la porte.
Du côté des professionnels du secteur, où l’on juge un peu plus sur pièces et un peu moins sur l’image médiatique (encore que…), la situation n’est guère plus favorable. De nombreuses collectivités territoriales ont réduit les subventions au spectacle vivant, au motif de la baisse de leur propre dotation de fonctionnement de l’Etat, laissant les Cassandre habituels dénoncer « la mort de la culture », sans regarder ce qui se passe hors de France. La ministre a eu beau multiplier les déclarations pour dire « qu’elle restait vigilante » et signer plusieurs Pactes culturels avec les villes (35 à ce jour), l’impression d’une crise dans les festivals de musique ou de théâtre et de manière générale dans le « socioculturel », flotte dans les esprits. Il y a certes un peu partout des restrictions budgétaires, mais il est faux de dire que la culture est en péril.
Dans les musées et monumentaux historiques, on s’exprime moins en public, devoir de réserve oblige, mais en privé on souligne que la ministre n’a encore rien apporté au secteur. Son court-circuitage dans la nomination de Serge Lasvignes à la présidence du Centre Pompidou, a montré son faible poids politique au gouvernement. On ne l’a aussi pas beaucoup entendu quand Laurent Fabius, un tout autre gabarit, a voulu installer des stands de dégustation à l’Hôtel de la Marine. Elle n’a pas bronché non plus quand l’Etat a rendu en catimini à la Chine des œuvres appartenant au Musée Guimet.
Le remplacement de Nicolas Bourriaud à l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts, justifié sur le fond, est maladroit dans la forme. La ministre s’est même pris les pieds dans le tapis dans les griefs adressés à Bourriaud. Les autres directeurs des écoles d’art s’en sont naturellement émus. On suivra avec attention le profil de son remplaçant ainsi que celui de l’éventuel nouveau patron de la Villa Médicis.
Enfin du côté de la « création », il faut bien avouer que ses Assises de la Jeune création, pourtant menées au pas de charge, n’ont pas marqué les esprits.
L’automne offre cependant plusieurs rendez-vous à la ministre avec l’opinion, des rendez-vous qui pourraient lui être favorable, pour peu qu’elle sache trouver le ton juste. En septembre ce sera la présentation du Projet de Loi Finances 2016, dont on sait déjà qu’il contient une hausse pour la Culture. L’ampleur de la hausse n’est pas encore connue. Dans le plan triennal, ce n’est qu’un petit million d’euros de plus, mais on peut parier que ce sera beaucoup plus. La fin des grands équipements lui laisse aussi un peu de marge de manœuvre qu’elle affectera à la création qui affichera ainsi un taux de croissance encore plus flatteur.
Puis ce sera le passage au Parlement de la loi Création et Patrimoine. L’article 1 sur la liberté de la création, devrait la aussi lui permettre quelques belles envolées lyriques tandis que les nombreuses et souvent intéressantes dispositions pour le patrimoine lui fourniront quelques belles histoires concrètes à raconter aux Français. Seul problème, François Hollande et Manuel Valls, entendent bien tirer profit eux-aussi de ces deux rendez-vous.
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Un an après, Fleur Pellerin peine à trouver sa place
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Abonnez-vous dès 1 €Fleur Pellerin lors d'un Meeting en Suisse en 2013 © Photo World Economic Forum - 2013 - Licence CC BY-SA 2.0