Au Singapour, réputé pour sa fiscalité très avantageuse envers les particuliers comme les entreprises, la TVA de 7 % qui s’applique au commerce de l’art est considérée comme une ombre au tableau.
Singapour figure parmi les pays les plus attractifs au monde en matière de fiscalité, avec un taux d’imposition maximal sur les bénéfices des sociétés porté à seulement 17 % pour les résidents et non-résidents, que les revenus soient réalisés à Singapour ou non. L’impôt pour les personnes y est également très avantageux, avec un taux d’imposition sur les revenus plafonnant à 20 %. Au Singapour, il n’y a pas d’impôt sur la fortune, pas d’impôt sur les successions et les donations et pas d’impôt sur les plus-values. De quoi attirer les fortunes du monde entier et plus particulièrement les fortunes asiatiques. En 2012, un Singapourien sur trente était millionnaire en dollars américains.
Pourtant, malgré cette concentration de millionnaires et sa volonté affichée de peser sur le marché de l’art, Singapour ne dispose d’aucun régime fiscal particulier pour les œuvres d’art. On peut néanmoins noter une incitation à la donation et au mécénat. Deux dispositifs fiscaux, applicables à la fois aux entreprises et aux particuliers, favorisent la donation d’œuvres d’art aux musées (« Approved Museum Status ») ou destinées aux expositions dans les lieux publics (« Public Art Tax Incentive Sheme » ou « Patis »). Le donateur bénéficie alors d’une déduction fiscale équivalente à 2,5 fois la valeur de l’œuvre d’art.
Le « Gloss Floor Area Incentive », mis en place en 2005 par l’autorité du renouvellement urbain de Singapour (URA), encourage également les promoteurs immobiliers à inclure des œuvres d’art accessibles au public dans les plans de construction des centres commerciaux, en échange de l’octroi de mètres carrés de terrain supplémentaires. C’est ainsi que l’on a vu fleurir de nombreuses œuvres d’art à Singapour, parmi lesquelles les sculptures de l’artiste français Bernar Venet.
Le Partnership Funding for Arts Businesses géré par le National Arts Council alloue des subventions ne dépassant pas 56 000 euros aux entrepreneurs qui veulent produire ou diffuser des projets artistiques de qualité. Sont éligibles des petites et moyennes entreprises enregistrées au Singapour dont 30 % au moins des actions sont détenues par une entité singapourienne. Malgré les différents mécanismes d’incitation fiscale, les donations pour le secteur des arts sont en stagnation. Afin d’encourager le secteur privé à être plus généreux, le gouvernement a mis en place un fonds doté de plus de 110 millions d’euros. Pour chaque donation dans le domaine des arts ou à une institution culturelle, il financera le même montant.
Un aéroport comme port franc
Mais ce qui pèse aujourd’hui sur le marché de l’art, c’est la TVA de 7 % qui s’applique sur le commerce des œuvres d’art. Une taxe considérée comme un frein pour le développement du marché de l’art à Singapour, et ce d’autant plus que la voisine et rivale Hongkong l’a abrogée en 2004. « Cette TVA n’incite personne à échanger des œuvres d’art très chères à Singapour, explique Tony Reynard, le directeur du Singapore Freeport, le port franc de Singapour. Les œuvres s’échangent à Londres, à New York ou à Paris mais pas à Singapour. »
Depuis 2010, les collectionneurs ont néanmoins le moyen d’échapper à cette TVA avec le Singapore Freeport. Situé au bout des pistes de l’aéroport de Changi, le Singapore Freeport, superbe immeuble high-tech construit pour 100 millions de dollars et hautement sécurisé, a été façonné sur le modèle du port franc de Genève. Une idée développée par Yves Bouvier, président du transitaire genevois Natural Le Coultre, numéro un mondial. Sur trois étages, vingt-quatre showrooms ont été aménagés pour que les clients ou maisons de ventes puissent consulter leurs œuvres, organiser des expositions et des ventes. « Si les œuvres restent au Freeport, elles ne sont pas assujetties à la TVA », explique Alvin Lim, le président d’Art Futures Group, une société de conseil en investissement en art à Singapour. « De nombreux investisseurs choisissent donc d’acheter à l’étranger et de faire livrer directement leurs œuvres d’art au Freeport. »
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Singapour, un Éden fiscal
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°411 du 11 avril 2014, avec le titre suivant : Un Éden fiscal