La nouvelle version de la charte sur le tourisme met l’accent sur les communautés locales et l’adaptation au changement climatique, et recommande la rédaction systématique d’un plan de gestion du tourisme sur les sites patrimoniaux.
Charenton-le-Pont (Val-de-Marne). Dans les colonnes du Journal des Arts no 602 (6 janvier 2023), Laurence des Cars, présidente-directrice du Louvre, annonçait travailler à une jauge limitant le nombre de visiteurs dans les allées du musée parisien… Ou plutôt, massés devant La Joconde et la Vénus de Milo, laissant vides des départements entiers d’un établissement que le public local ne fréquente plus : voilà, concentrées en un lieu, les problématiques du tourisme de masse. Comme en réponse à cette question devenue pressante, le Conseil international des monuments et des sites (Icomos) publie en ce début d’année la troisième version de sa charte sur le tourisme dans les sites patrimoniaux, avec un mot d’ordre : la planification. Qui peut passer, comme au Louvre, par un contrôle des flux de visiteurs.
Une nouvelle charte, trois objectifs et sept principes
« Quand vous regardez les déclarations, le tourisme est identifié comme une question-clé par l’Unesco. Mais lorsqu’on s’intéresse aux sites de la Liste du patrimoine mondial pris individuellement, soit il n’y a pas de plan de gestion du tourisme, soit seules quelques mesures minimes sont en place », observe Fergus MacLaren, président du Comité international sur le tourisme culturel (ICTC), l’un des 27 comités scientifiques de l’Icomos. Pour guider les gestionnaires de biens dans la mise en place de cet outil, la charte révisée met en avant trois objectifs : donner la priorité aux communautés locales et à la protection du patrimoine dans la politique touristique, mettre toutes les parties prenantes autour de la table pour décider de ces politiques, et enfin intégrer les objectifs climatiques et de développement durable de l’ONU (agenda 2030).
« Ces trois objectifs, et les sept principes qui en découlent, ne sont pas ce à quoi un plan de gestion doit absolument ressembler, mais plutôt ce qu’il doit intégrer », explique le président de l’ICTC. Traduite en sept langues, et faisant l’objet d’une tournée de présentation parmi les institutions partenaires, la charte est la troisième version du texte. Car l’Icomos s’est intéressé dès les années 1970 aux questions touristiques, avec une première charte en 1976 et la création de l’ICTC dans la foulée, au début des années 1980. Si cette première version posait les fondements d’une gestion responsable du tourisme sur les sites patrimoniaux, la seconde, rédigée en 1999, prenait en compte la croissance rapide du secteur touristique, et son approche du sujet était plus globale, insistant sur l’apport social et culturel des sites patrimoniaux pour les touristes comme pour les communautés locales.
Deux décennies plus tard, le texte avait besoin d’une actualisation : un travail entamé par l’ICTC en 2017, qui a abouti à une nouvelle version à la fin de l’année 2022. « Entre 1999 et aujourd’hui, beaucoup de choses se sont passées : la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, la reconnaissance des droits des peuples indigènes… », énumère Fergus MacLaren. Et au moment de la rédaction de cette troisième itération, la pandémie de Covid-19 a révélé la fragilité des régions dépendant de l’économie touristique. Une prise de conscience qui apparaît dans la charte de 2022, laquelle invite les communautés vivant du tourisme culturel à « envisager des options d’adaptation ».
Au cœur de ce nouveau texte, les communautés locales ne sont plus seulement vues comme un public devant profiter des retombées (sociales, économiques) du tourisme, mais comme des acteurs incontournables lors de la planification des politiques touristiques, et aussi comme des victimes potentielles des effets délétères du surtourisme. Le quatrième principe décliné dans la charte préconise ainsi une gouvernance participative dans les instances touristiques, et « un partage des bénéfices », quand le cinquième point demande une gestion coopérative des sites, incluant toutes les parties prenantes : secteur privé, petites entreprises, communautés locales, autorités politiques, jusqu’aux touristes. « C’est l’une des choses très concrètes à mettre en place, souligne Fergus MacLaren, une interface où tous ces différents acteurs sont réunis et peuvent prévoir les potentiels impacts. »
Études d’impact en amont
Car si le tourisme est souvent vu comme une manne pour un territoire donné, la charte de 2022 le présente comme une activité économique dont la gestion doit être planifiée collégialement, et faire l’objet d’études d’impact en amont. L’étude d’impact patrimonial (EIP) et l’étude d’impact sur l’environnement (EIE) devraient ainsi précéder toute mise en tourisme d’un site patrimonial.
La prise en compte des objectifs climatiques, dernier principe de la charte, constitue le défi le plus important pour l’industrie du tourisme culturel. « Une responsabilité personnelle, collective et professionnelle », rappelle le texte, alors que les interrogations sur les trajets en avion dispensables et le problème des émissions de CO2 du secteur touristique émergent dans le débat public. Sensibles, ces questions ne sont pas tranchées par le texte, qui invite à explorer des pistes alternatives comme la réhabilitation du patrimoine bâti ou l’utilisation des nouvelles technologies.
Pour le président de l’ICTC, ce challenge, ainsi que ceux de la préservation du patrimoine et des communautés, doivent passer par des actions fortes, à l’exemple de la jauge du Louvre, ou de cette nouvelle réglementation appliquée au parc des montagnes rocheuses au Canada, où la seule route d’accès à ce site inscrit sur la Liste de l’Unesco est désormais interdite aux véhicules personnels. « La consultation, la collaboration sont de bonnes choses, mais à un moment il faut prendre une décision. Que ce soit à Paris ou à Ottawa, impossible de contenter tout le monde. »
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
L’Icomos plaide pour une planification du tourisme culturel
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°605 du 17 février 2023, avec le titre suivant : L’Icomos plaide pour une planification du tourisme culturel