Le Liban souffre des tensions dans la région, d’une instabilité politique et de la perte de son patrimoine.
L’entretien avec Gaby Layoun doit être replacé dans son contexte. Le conflit syrien pèse sur le Liban. Le clivage pro et anti Bachar Al-Assad et notamment le clivage Chiites (soutenus par l’Iran)/Sunnites (dont fait partie la mouvance djihadiste, appuyée par les monarchies du Golfe) traverse par contrecoup la vie politique libanaise. Le Gouvernement formé en 2011 est issu d’une alliance constituée principalement entre le Hezbollah (chiite qui aide militairement le régime de Bachar Al-Assad et se trouve ainsi de plus en plus contesté par une majorité de Libanais) et une partie des chrétiens du parti de Michel Aoun. Un attentat à la voiture piégée a ainsi touché en juillet dernier le quartier général du Hezbollah dont la branche armée vient d’être inscrite sur la liste noire des organisations terroristes par l’Union européenne. Quelques jours plus tard, à Tripoli, une mosquée sunnite a été la cible en représailles d’une attaque meurtrière. Le Gouvernement auquel appartient Gaby Layoun est démissionnaire depuis avril 2013 ; un nouveau Premier ministre, Tammam Salam, a été nommé, mais celui-ci ne parvient pas à composer son cabinet en raison des complexes négociations sur la répartition des portefeuilles entre les différents partis. Ce regain de tensions dans la région intervient alors que les Libanais tentent d’oublier la terrible guerre civile de 1975-1990, l’assassinat en 2005 du Président Rafic Hariri et le conflit israélo-libanais de juillet 2006. Rafic Hariri a été le promoteur d’un vaste plan de reconstruction de Beyrouth qui n’épargne pas les vestiges archéologiques phéniciens, hellénistiques et romains, ni même les constructions mameloukes, ottomanes et celles du mandat français (1920-1944). Le vieux Beyrouth est en train de disparaître au profit d’un centre-ville totalement reconstruit et aseptisé et d’une floraison de buildings sans imagination architecturale. Il existe un régime de protection du patrimoine antérieur à 1920 (!), mais il est très facile de déclasser un site inscrit ou de le laisser tomber en ruine. Selon l’architecte et défenseur du patrimoine Youssef Haidar, parmi les 1 200 bâtiments beyrouthins à protéger selon une liste établie en 1994, il n’en reste plus que 120. Des associations tentent de protester, mais elles ont du mal à résister aux pressions économiques, à la corruption et aux préoccupations d’une société libanaise d’abord tournée vers sa sécurité et ses besoins primaires. Ainsi en est-il de l’Association pour la protection des sites et des anciennes demeures au Liban fondée dès 1960 par Lady Cochrane Sursock, issue d’une vieille famille de notables libanais, qui tente de sauver ce qui peut encore l’être ou encore de l’Association pour la protection du patrimoine libanais créée en 2010. Cependant quelques initiatives illuminent ce sombre tableau. Ainsi en est-il du projet Beit Beirut qui consiste à transformer une ancienne construction de 1924, la Maison jaune, située sur la ligne de démarcation et utilisée de ce fait pendant la guerre en bunker à snipers, en un mémorial sur la guerre. Le parti pris architectural de Youssef Haidar est de laisser apparentes les blessures de la guerre. Ce projet, supporté par la municipalité de Beyrouth et appuyé par une équipe de la Mairie de Paris, devrait voir le jour en 2014.
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Liban - Un pays meurtri
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°398 du 4 octobre 2013, avec le titre suivant : Liban - Un pays meurtri