Ministre de la Culture du Liban depuis 2011, Gaby Layoun explique la difficulté de sauvegarder le patrimoine de son pays.
Monsieur Gaby Layoun (49 ans), diplômé en génie civil et en économie, a d’abord été ingénieur avant d’entamer une carrière politique. Il est nommé ministre de la Culture (sortant) représentant le Courant Patriotique Libre du général Michel Aoun dans le cabinet Najib Mikati depuis le 13 juin 2011.
De quand date la création du ministère de la Culture libanais ?
C’est un jeune ministère puisqu’il ne date que de 1993. À cette date les différentes administrations qui le composent aujourd’hui ont été réunies dans une seule structure. Nos missions recouvrent essentiellement le patrimoine, l’archéologie et la francophonie. Au Liban, je le regrette, la création, le livre et le spectacle vivant sont encore essentiellement du ressort du secteur privé. Ainsi par exemple, je rêverais de construire un opéra dont nous manquons à Beyrouth. Cependant, s’agissant du livre, nous avons un grand projet de Bibliothèque nationale dans le quartier de l’Hamra, financé par le Qatar. Nos moyens sont limités et représentent une faible part du budget de l’État.
Est-ce difficile d’être le ministre de la Culture d’un État qui accueille autant de cultures différentes ?
Cette richesse est au contraire une chance ! Cette pluralité d’histoires, de paysages est un atout pour mon ministère. Nous avons un patrimoine considérable dont plusieurs sites classés sur la liste de l’Unesco, dont les ruines d’Anjar (VIIIe siècle), les cités phéniciennes de Baalbek et de Tyr, Byblos, la vallée de la Qadisha (1).
La reconstruction de Beyrouth, depuis la fin de guerre civile, détruit de nombreux témoignages du passé. Que pouvez-vous faire pour protéger votre patrimoine archéologique et bâti ?
C’est un vrai problème. S’agissant des édifices anciens, la loi me permet d’interdire la démolition, mais n’oblige pas les propriétaires à entretenir et restaurer le bâtiment. Je viens cependant de signer un décret d’expropriation d’un terrain dans le centre-ville de Beyrouth où l’on a retrouvé des vestiges d’une basilique du IVe siècle et de canalisations et de chaussées romaines. Nous avons en préparation un projet de loi sur l’indemnisation des propriétaires de bâtiments patrimoniaux, au cas où le ministère décide d’exproprier les propriétaires du bâtiment ou des parcelles si elles contiennent des vestiges archéologiques.
Le Liban et Beyrouth en particulier n’ont pas de musée d’art moderne et contemporain. Quels sont vos projets en la matière ?
Nous avons un très beau musée national d’archéologie, dont une nouvelle salle, la salle Maurice Chéhab, vient d’être rouverte au public après travaux, mais pas de musée public d’art contemporain. C’est d’autant plus dommage que nous avons une scène artistique contemporaine dynamique, comme en témoigne le beau pavillon libanais à la Biennale de Venise représenté par Akram Zaatari. Là aussi, c’est le secteur privé qui est en première ligne, à commencer par le Musée Sursock qui doit rouvrir l’an prochain. L’État possède une collection de plus de 2 000 tableaux d’artistes libanais du XXe siècle. J’aimerais leur trouver un lieu d’exposition. Nous sommes actuellement en discussion avec une ONG qui pourrait nous aider. Nous avons également dans nos cartons depuis 2010, un projet de centre culturel financé en partie par le Sultanat d’Oman. Nous avons repéré au centre-ville, un terrain idéal pour le construire, mais la société de promotion immobilière qui gère les lieux (Solidere) en réclame 70 millions de dollars. Nous essayons de trouver une solution avec cette société. Pour en revenir au patrimoine, nous avons un projet de musée d’histoire de Beyrouth, qui serait abrité dans un nouveau bâtiment. Je pense pouvoir faire des annonces dans ce domaine, prochainement.
Le Gouvernement auquel vous appartenez est démissionnaire depuis avril 2013. Cela vous gêne-t-il dans vos missions ?
Cette situation transitoire ne nous limite pas dans notre gestion quotidienne, mais nous empêche de statuer sur les grandes décisions qui requièrent une validation gouvernementale. Je viens ainsi de réactiver le Centre international des sciences de l’homme, mais les statuts de la Bibliothèque nationale dont je vous parlais précédemment sont en attente.
Une des conséquences directes du conflit syrien en cours est l’afflux de réfugiés. Cela perturbe-t-il l’action de votre ministère ?
Nous en sommes à plus d’1,5 million déplacés Syriens et non pas réfugiés, car nous n’aimons pas ce terme qui nous rappelle les Palestiniens qui ont trouvé refuge au Liban depuis 1948 et qui sont toujours au Liban après 65 ans. Ces déplacés Syriens fuient la guerre qui s’est installée en Syrie et qui est malheureusement alimentée par de nombreux pays, ce qui risque de l’étendre indéfiniment. Le Liban, un pays de 4 millions d’habitants, ne peut accueillir l’équivalent du quart de sa population en étrangers réfugiés ou déplacés. C’est un très lourd fardeau et un danger pour le Liban tout entier.
(1) L’Office du Tourisme du Liban à Paris (124, rue du Faubourg Saint Honoré 75008 Paris) et son site Internet (www.destinationliban.com) disposent d’informations complètes sur le patrimoine libanais.
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M. Gaby Layoun, ministre de la Culture du Liban
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°398 du 4 octobre 2013, avec le titre suivant : M. Gaby Layoun, ministre de la Culture du Liban