Sur les 3 500 tiers-lieux répartis sur le territoire national, aucun ne se ressemble. Chacun est à l’image de son équipe d’organisation. Des projets différents donc mais avec, pour seule boussole, l’envie de faire sens commun. Exemples.
Le tiers-lieu occupe les espaces d’une ancienne menuiserie. Le bâtiment historique, du XIXe siècle, a conservé sa charpente métallique d’origine. Interdit d’accès au public en raison d’une mise aux normes trop coûteuse, il accueille des ateliers d’artistes : des plasticiens, des vitraillistes, un encadreur et une compagnie de théâtre qui stocke, dans le vaste hangar, une bonne partie de ses décors, accessoires et matériel technique. L’autre bâtiment, construit dans les années 1980, a été en partie refait, et héberge des associations tournées vers l’économie sociale et solidaire. Dans un vaste garage, des producteurs locaux se sont réunis pour offrir un marché de produits régionaux de saison. Le tout fonctionne au gré de la bonne volonté des cohabitants, Jean-Yves Patry, le président de l’association Deux-Temps ! qui gère le lieu, préférant la liberté à la subvention. La vie de La Menuiserie est rythmée par de nombreuses manifestations, dont le festival bisannuel Les Temps hybrides, rassemblant, dans une ambiance joyeuse, des créateurs visuels, des performeurs, des musiciens, des food-trucks, dans les espaces de plein air autour du bâtiment.
Installé dans les anciens ateliers Publisson à Bagnolet, mis à disposition par le promoteur Sopic, Le Sample a été cofondé par Ancoats, une agence d’accompagnement d’alternatives urbaines et culturelles, et La Belle Friche, une agence d’urbanisme transitoire et participatif. Les deux structures à l’initiative du projet se sont constituées en association afin de penser un projet spécifique, d’intérêt général, dans ce bâtiment et son vaste jardin, de 2 000 m2 chacun. Ouvert en 2021, Le Sample est un lieu d’expérimentation qui favorise l’émergence culturelle, fédère une communauté d’usagers et renforce le tissu associatif local. Il se concentre sur trois activités principales : l’accueil d’artistes résidents, une programmation pluridisciplinaire variée et régulière (concerts, expositions, soirées, kermesses…), et un volet transmission, avec notamment l’accueil de projets éducatifs et de formations. Environ 70 résidents, structures ou travailleurs indépendants du champ culturel et social y ont pris leur quartier, et une quinzaine d’associations locales sont réparties en fonction de leurs besoins (cours de sports, assemblées générales…).La programmation est pensée comme une véritable plateforme pour les communautés locales ou les collectifs émergents, et s’élabore collectivement, au gré d’invitations et de propositions. Avec la volonté de renforcer la dimension collective et participative, Le Sample a récemment changé de gouvernance. Si le côté opérationnel reste aux mains de l’équipe permanente (les fondateurs et une dizaine de salariés), un conseil d’administration collégial rassemblant tous les usagers réguliers a été mis en place.
De l’aveu de Gwenola Drillet, sa coordinatrice générale, l’hôtel Pasteur est « une place publique avec un toit ». Jusqu’en 2012, cette ancienne faculté des sciences en bordure de Vilaine était un bâtiment quasi vacant dont la Ville de Rennes, son propriétaire, ne savait que faire. À l’initiative des architectes Patrick Bouchain et Sophie Ricard, il devient alors une « université foraine » où sont expérimentés tous types d’activités, sans programme établi. Depuis 2021, après sa réhabilitation en chantier ouvert par l’agence Encore Heureux, il accueille une école maternelle, un tiers-lieu municipal alliant éducation et numérique et un « hôtel à projets » auquel il doit son nom. De fait, à l’hôtel Pasteur, l’hospitalité est un principe moteur. Pour une durée allant de trois heures à trois mois, particuliers et collectifs de toutes disciplines, artistiques ou non, peuvent venir y faire éclore un projet ou le restituer, animer un atelier, organiser un événement, etc. Le tout moyennant une adhésion à prix libre et l’entretien du lieu avec les « concierges ». Une fois hébergés sur place, les hôtes n’ont aucun loyer à verser. En revanche, ils sont priés de laisser leur porte ouverte aux visiteurs et de participer à la vie du lieu. Quelle que soit la nature de leur contribution (entretien des locaux, recherche et documentation, médiation, transmission…), celle-ci est évaluée et versée aux comptes de l’association collégiale qui chapeaute l’hôtel à projets, selon les principes de l’économie contributive. Une manière de favoriser l’appropriation et la cogestion du lieu par ses usagers, qui sont aussi associés à sa gouvernance.
Un endroit qui s’appelle la Californie donne furieusement envie d’aller y faire un tour. Pourtant, Juliette Six, designeuse et co-présidente de l’association qui gère ce tiers-lieu situé à Toucy, bourg de 2 500 habitants dans l’Yonne, prévient : « On est installés en zone artisanale, dans un ancien espace de réparation de matériel de motoculture et de stockage de matériaux. Le bâtiment n’a aucune valeur patrimoniale. » À l’entendre, c’est tant mieux : « Ces sites sont des angles morts, ils ne font rêver personne, ils sont donc pleins d’enjeux. »En 2017, un groupement de trois associations décide de s’y installer et convainc la Communauté de communes de Puisaye-Forterre de racheter la parcelle de 5 000 m2 pour y développer un lieu consacré à l’économie circulaire et au lien social. Le noyau dur de la Californie se compose ainsi d’une recyclerie, d’un vestiaire de seconde main dont les recettes financent des colis alimentaires (Toucy Entraide), d’une agence de design (Bonjour Cascade), et de l’association éponyme qui gère le site. En 2021, le tiers-lieu est labellisé « Fabrique de territoire » pour trois ans. Ses effectifs et ses activités s’étoffent : on y trouve désormais un atelier de réparation de vélos, un espace numérique, un jardin et un bâtiment démonstrateur en terre-paille qui deviendra à terme un espace commun. Au gré d’expositions, d’ateliers ou de résidences, une programmation culturelle vient valoriser et soutenir cette effervescence. Surtout, la logique de coopération et de mutualisation portée par la Fabrique stimule de nouveaux partenariats locaux. Avec à la clé, l’obtention fin 2023 d’un nouveau label : « Pôle territorial de coopération économique » (PTCE).
« La Friche est une expérience politique, un lieu de pensée et d’action renouvelant le rapport de l’art au territoire et à la société », est-il proclamé dans le Manifeste de la Friche (2020). Installée dans le quartier populaire de La Belle de Mai, auquel elle emprunte le nom, la Friche La Belle de Mai est une ancienne manufacture de tabac reconvertie en lieu culturel en 1992. Passée par plusieurs phases de développement et de gouvernance, elle s’est constituée en SCIC (Société coopérative d’intérêt collectif) en 2007 et est aujourd’hui un lieu incontournable de la vie culturelle de la cité phocéenne, ancré localement mais dont le rayonnement dépasse largement les frontières nationales. Sur 100 000 m2, elle regroupe des salles de spectacles et de concert, des aires de jeux et de sport, des espaces d’exposition, des ateliers d’artistes, des jardins partagés, des cafés-restaurants, une librairie ou encore une crèche. À la fois espace de travail et lieu de diffusion, la Friche propose 600 événements par an et 70 structures résidentes y sont installées, parmi lesquelles plusieurs centres d’art . Dans ce tiers-lieu ouvert tous les jours de l’année se côtoient 350 salariés qui y travaillent au quotidien et environ 450 000 visiteurs par an. Avec la volonté de rester un lieu d’innovation et de réinvention permanente, la Friche continue de consolider son ancrage local tout en développant des projets de collaboration à l’international. Dans le cadre d’une réflexion sur l’impact environnemental de ses modes de production, de ses usages et de son bâti, elle a récemment amorcé un virage écologique qui se déploie en cinq axes majeurs : la performance énergétique, la biodiversité, la mobilité, le tri des déchets et la gestion de l’eau.
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Les Tiers-lieux multiplicité et originalité
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°780 du 1 novembre 2024, avec le titre suivant : Les Tiers-lieux multiplicité et originalité