Réputée pour son festival, Angoulême inaugure sa nouvelle Cité de la bande dessinée et de l’image sur un ancien site industriel.
Véritable fief de la bande dessinée, Angoulême (Charente) organise depuis trente-cinq ans un festival depuis longtemps célèbre, entièrement consacré au neuvième art. En 1990, la ville avait inauguré le Centre national de la bande dessinée et de l’image. Pas assez ambitieux au regard de l’ampleur des collections accumulées depuis les années 1970, ce dernier a fermé ses portes neuf ans après son ouverture pour un inventaire et une refonte totale du projet. Il renaît aujourd’hui à travers un nouvel établissement public de coopération culturelle à caractère industriel et commercial, baptisé Cité internationale de la bande dessinée et de l’image. Cette cité est constituée de trois pôles répartis sur deux sites. D’une part, la bibliothèque, installée dans les bâtiments conçus par l’architecte Roland Castro à la fin des années 1980, et la Maison des auteurs (sorte de résidence d’artistes), toutes deux situées sur la rive gauche de la Charente. D’autre part, le musée et sa librairie spécialisée, qui ont hérité d’un vaste bâtiment industriel du XIXe siècle en guise de nouveaux locaux. Ces anciens chais, édifiés rive droite, ont été entièrement rénovés pour l’occasion. Ils sont reliés au site Castro par une passerelle de 190 mètres inaugurée en 2008.
Parti pris classique
Pas de gadgets, de super-héros suspendus au plafond ou de panneaux fantaisistes en forme de bulles de BD pour ce nouvel établissement. Le neuvième art est ici abordé à travers le prisme du musée de beaux-arts, avec un parcours chronologique et une scénographie sobre qui met l’accent sur les collections. Un parti pris volontairement classique pour montrer que la BD n’est pas une sous-culture mais bien « une forme artistique à part entière », comme l’explique Ambroise Lasalle, jeune conservateur responsable des collections du musée. Les planches sélectionnées, essentiellement des originaux, sont ainsi présentées dans des vitrines-tables formant une longue arabesque qui remonte le temps, des années 1830 à nos jours. On commence avec Rodolphe Töpffer, considéré comme le pionnier de la bande dessinée, et la revue Le Chat noir (1882), pour poursuivre avec des personnages entrés dans la mémoire collective, tels Bécassine (vedette de La Semaine de Suzette), Zig et Puce, Tintin, le Professeur Nimbus, Mickey ou Spirou. Les années 1940 sont marquées par des dessinateurs comme Calvo – dont les héritiers ont déposé récemment au musée un fonds de mille planches originales –, les séries du Coq hardi, les Pieds Nickelés ou Félix, tandis que la décennie suivante donne naissance aux super-héros des premiers comic books. Dans les années 1960, le magazine Pilote voit le jour. Il est dirigé dès 1963 par Charlier (créateur de Blueberry) et Goscinny dont le personnage d’Astérix participe à la popularité du neuvième art. Mais c’est Gotlib et Moebius qui donnent à la BD française une nouvelle ampleur. Le premier fonde en 1975 Fluide glacial, le second participe parallèlement à la création de Métal hurlant. Il faudrait citer encore Bilal, Franquin, Tardi, Jean Van Hamme et William Vance, Dupuy et Berberian, Nicolas de Crecy, Spiegelman, Lewis Trondheim pour les années 1980-1990… Pour d’évidentes raisons de conservation, les planches exposées seront renouvelées tous les quatre mois, une rotation rendue possible par la quantité de planches et de dessins originaux conservés au musée – 8 000 au total, auxquels il faut ajouter les imprimés gérés par la bibliothèque et quelque 150 objets dérivés. Point faible des collections : la bande dessinée japonaise est évoquée avec des reproductions, pour ne pas passer à côté du phénomène du Manga.
Ambiance calfeutrée
Ce parcours serpentin est agrémenté de séquences audiovisuelles – des entretiens, documentaires ou animations filmées – et propose au visiteur de faire des pauses dans de petits salons de lecture où des albums sont à sa disposition. Le tout dans une ambiance calfeutrée – le papier exige un faible éclairage – et confidentielle propice à la lecture. Une salle adjacente, plus petite, propose d’étudier les différentes étapes de création d’une planche de BD. Dans un petit salon, une centaine de planches sont accrochées au mur et présentées pour leur seul intérêt esthétique. Un dernier espace de 70 m2 est réservé aux expositions-dossiers avec, pour commencer, une thématique qui ne doit rien au hasard puisqu’il s’agit de l’image du musée dans la BD. Enfin l’espace des expositions temporaires se déploie sur 400 m2. Il devrait accueillir une première manifestation intitulée « Rés&nance » – une centaine d’auteurs de BD réinterpréteront des planches conservées au musée – et inaugurée en janvier prochain, en même temps que le 37e festival de la BD. Sans se fixer d’objectif précis, le musée espère recevoir 50 000 visiteurs annuels en dehors du festival. La refonte de la Cité et l’importance nouvelle donnée au musée marque, à n’en pas douter, une nouvelle étape dans la reconnaissance du neuvième art.
121, rue de Bordeaux, 16023 Angoulême cedex, tél. 05 45 38 65 65, www.citebd.org, tlj sauf lundi, 10h-19h et 14h-19h le week-end.
A lire : Thierry Groensteen, La Bande dessinée, son histoire et ses maîtres, éditions Skira-Flammarion, Paris, juin 2009, 456 pages, 49 euros.
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Le neuvième art en ébullition
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Abonnez-vous dès 1 €- Coût des travaux : 9,6 millions d’euros
- Surface totale : 4 068 m2 (dont 1 300 m2 d’exposition permanente, 390 m2 pour les manifestations temporaires et 580 m2 de réserves)
- Architecte : Jean-François Bodin
- Directeur général de la cité : Gilles Ciment
- Conservateur : Ambroise Lasalle
- Nombre de planches conservées : 8 000
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°306 du 26 juin 2009, avec le titre suivant : Le neuvième art en ébullition