Après dix années d’une rénovation radicale, l’ensemble Gadagne, où se trouvent les Musées des marionnettes et de l’histoire de Lyon, rouvre ses portes.
La rénovation d’un musée s’avère particulièrement ardue quand celui-ci est situé à l’intérieur d’un édifice classé. Il faut remplir les exigences de la loi Musées tout en respectant le lieu originel… Les travaux opérés sur l’ensemble Gadagne, monument historique du Vieux Lyon qui abrite le Musée d’histoire de la ville depuis 1921 et le Musée des marionnettes du monde depuis 1950, semble avoir largement sacrifié le bâti aux normes en vigueur et aux idées, pour le moins farfelues, des architectes. Exposés au sein du nouveau parcours, les vieux clichés noir et blancs de l’édifice construit au XVIe siècle et remanié par la suite, montrent l’ampleur des dégâts : l’édifice a été littéralement « transformé » – impossible ici d’utiliser le terme de restauration. On pouvait s’attendre à un résultat plus subtil aux termes de ce chantier qui a duré dix ans et englouti 30 millions d’euros.
Tricolores (rose, blanc cassé et jaune), les façades de la cour principale, où s’effectue l’entrée du public, sont comparables à un gros gâteau à la crème. « Très haute, avec ses cinq niveaux, la cour risquait de ressembler à un grand placard uniforme et nous n’avions pas de témoin pour les teintes initiales. La cour est le fruit de plusieurs imbrications au fil des siècles. C’est ce que nous avons voulu rendre visible avec le choix des couleurs », justifie Simone Blazy, qui dirige les deux musées. Et de préciser : « Nous n’avons pas voulu tricher. Tout ce qui a été ajouté est visible. Nous avons gardé ce qu’il était possible de conserver en employant des matériaux semblables à ceux d’origine, mais sur des modules contemporains. » Fallait-il pour autant percer ces horribles « puits de lumière » dans la cour pour éclairer le hall d’accueil et la salle des expositions temporaires creusés en sous-sol ? « La cour avait déjà été massacrée au XXe siècle. Il ne restait pas de sol ancien et nous avions besoin de nouveaux espaces. Les travaux sont le fruit d’un compromis entre la fonctionnalité et l’esthétique », poursuit la conservatrice. Ces « compromis » frôlent le mauvais goût avec les sanitaires, visibles de la cour par le biais d’une porte transparente. « Cela va être masqué », promet Simone Blazy. Les espaces intérieurs du monument historique ont, eux aussi, subit les outrages d’une rénovation radicale. Accès pour les personnes handicapés ou à mobilité réduite installés en dépit du bon sens, création d’un nouvel escalier creusé dans la colline de Fourvière qui n’a rien à envier à celui d’un parking de supermarché, système d’accrochage alambiqué, vitrines lourdes et murs aux couleurs vives qui jurent avec les éléments anciens : le parcours cumule les maladresses, souvent par excès de zèle. Le propos historique est ainsi réduit au strict minimum pour répondre à la nécessité de laisser des espaces pour les conférenciers et leurs groupes. Pourtant les deux musées conservent des collections riches et variées. Le Musée d’histoire abrite quelque 80 000 pièces (seules 1 500 sont présentées), des peintures, sculptures, photographies, médailles, textiles, mobilier et objets d’art. L’ensemble permet de retracer l’histoire de la ville sous les angles politique, social et culturel.
Mauvais choix
Parmi les pièces à ne pas manquer figurent un grand plan scénographique de 1545 (première vue générale de Lyon), un impressionnant métier à faire le velours remonté dans une des salles, des œuvres de Liotard, les trois clés de la ville dessinées par Chinard et exécutées par l’orfèvre Saulnier, des daguerréotypes ou le cinématographe (1896) des frères Lumière. Certaines pièces ont malheureusement souffert d’une mauvaise restauration. Ainsi des boiseries du XVIIIe siècle repeintes outrageusement. Il suffit de voir ce qui a été réalisé dernièrement pour le décor du Salon de musique de la Bibliothèque de l’Arsenal, à Paris – où la couleur originelle a été retrouvée en retirant les couches de crasse et de peinture postérieure –, pour se convaincre du mauvais choix ici opéré.
La visite du Musée des marionnettes est plus satisfaisante. L’institution, voulue en 1950 par Georges-Henri Rivière, conserve plus de 2 000 marionnettes et autant de décors et d’accessoires. Ils seront exposés par roulement pour répondre aux règles de la conservation. Le premier accrochage (2009-2010) s’articule autour du personnage de Guignol, né à Lyon en 1908 ; le suivant (2011-2012) s’intéressera à la marionnette contemporaine. La scénographie a recours à d’ingénieux coffrets-écrans qui diffusent des spectacles filmés (le Bunraku d’Osaka, le théâtre Karagöz turc, Polichinelle, le Muppet Show, etc.) et des diaporamas pédagogiques. Ces derniers révèlent aux visiteurs les secrets de manipulation des marionnettes foraines, des Ombres d’Asie ou des personnages du cabaret du Chat noir. Le musée accueillera dans ses espaces des marionnettistes contemporains et organisera des représentations dans le Petit Théâtre, capable d’accueillir 150 personnes. Il a presque doublé ses surfaces grâce au creusement d’espaces sous-terrains et à l’annexion d’un édifice voisin où sont installés les services administratifs, des ateliers et les réserves. Avec la restitution des ravissants jardins suspendus créés au dernier étage, l’ensemble Gadagne est « rendu au public dans sa totalité », se félicite Simone Blazy.
- Coût des travaux : 31,4 millions d’euros
- Restauration : Didier Repellin, architecte en chef des Monuments historiques
- Muséographie : Catherine Bizouard et François Pin
- Superficie : 6 300 m2
- Nombre de salles du Musée d’histoire de Lyon : 31
- Nombre de salles du Musée des marionnettes : 9
- Collection du Musée d’histoire : 80 000 objets (1 500 exposés)
- Collection du Musée des marionnettes du monde : 4 000 objets (1 500 exposés)
- Directrice des deux musées : Simone Blazy
- Responsable des collections : Anne Lasseur
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°306 du 26 juin 2009, avec le titre suivant : Lever de rideau