Le mécontentement des voisins de la Sagrada Família, à Barcelone

Barcelone. Le conflit qui oppose le Conseil de construction de la Sagrada Família à ses voisins résidant rue Mallorca perdure depuis plusieurs décennies et n’est pas près de se résoudre. En cause, le projet de construction d’un escalier monumental et d’une promenade, entourée de jardins, devant la façade de la Gloria, qui est alignée sur la rue Mallorca, où se trouvera la porte d’entrée principale de la cathédrale à la fin du chantier. Pour réaliser cette extension gigantesque, l’expropriation des 3 000 résidents et commerçants occupant le terrain convoité est nécessaire.

La controverse se polarise autour de l’origine du projet. Un dessin du début du XXe siècle atteste que cette extension est bien l’œuvre d’Antoni Gaudí (1852-1926), d’après le Conseil de construction, qui veut suivre à la lettre le projet de l’architecte décédé avant la réalisation de la majeure partie de la Sagrada Família. Pour d’autres, ce projet d’extension serait l’œuvre d’un disciple de l’architecte. C’est ce qu’avait conclu la Commission du patrimoine historique et artistique, en s’appuyant sur un rapport du Collège des architectes de Barcelone de 1975, qui avait permis l’édification des blocs d’immeubles résidentiels par le constructeur Nuñez y Navarro en 1976.

Alors que les immeubles étaient en cours d’édification, était approuvé le Plan métropolitain général à Barcelone, prévoyant la construction de l’esplanade monumentale. Pour cela, une allée de 60 mètres de large et 200 mètres de long est prévue nécessitant la destruction des mêmes immeubles fraîchement construits.

L’Association des voisins de la Sagrada Família et l’Association des riverains affectés par la construction du temple de la Sagrada Família (AVSFARV) ont déposé plusieurs recours contre leur expropriation au cours des dernières décennies, notamment en s’appuyant sur l’argument selon lequel l’extension ne serait pas de Gaudí. L’avocat Salvador Barroso Moreno, président de l’AVSFARV, a rappelé également que la loi espagnole prévoit la possibilité d’une expropriation de terrain privé uniquement pour le bien commun, ce qui n’est pas, selon les plaignants, le cas de la Sagrada Família. « Si la Mairie permet l’expropriation du terrain, c’est tous les Barcelonais qui paieront pour un projet privé et religieux. Pourtant l’Espagne est bien un État laïc », souligne-t-il.

La Ville de Barcelone qui fait face à une importante pénurie d’habitations depuis plusieurs années aura du mal à reloger les milliers de voisins et de commerçants. La Mairie de Barcelone, le Conseil de construction de la Sagrada Família et les deux associations de voisins se sont réunis en 2020 pour trouver un compromis. Les négociations ont été interrompues par la pandémie et ont été reprises lors d’une seconde réunion tenue en février 2022. Parmi les trois solutions évoquées, l’une impliquait de reloger les résidents sur un autre terrain situé également rue Mallorca, acquis par le Conseil de construction de la Sagrada Família en 2019.

Les discussions sont depuis restées lettre morte, malgré les relances des associations, prolongeant la situation de désarroi dans laquelle se trouvent les résidents depuis près de cinquante ans. « Tant que nous n’avons pas de compromis écrit officiellement, ces discussions n’ont pas de valeur. Une relocalisation, si on nous propose une solution équivalente à notre logement actuel, pourquoi pas ? Mais qui va payer les travaux et les déménagements ? Pas les résidents en tout cas », insiste l’avocat Salvador Barroso Moreno.

La mairie de Barcelone ne s’est jamais prononcée en faveur de l’une ou l’autre des parties au cours des dernières décennies.