Malgré l’accord passé entre le Musée du Louvre et le Quai Branly, le pavillon des Sessions ferme ses portes deux jours par semaine depuis le mois d’octobre. D’après le Louvre, il s’agit d’une mesure temporaire, liée à l’ouverture des salles consacrées aux arts de l’Islam. Le Quai Branly, qui finance la gestion de l’espace, pointe le désintérêt dont fait preuve le Louvre pour les arts d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques.
PARIS - Depuis octobre, le pavillon des Sessions, au Louvre, qui rassemble une centaine de chefs-d’œuvre des arts d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques, est fermé les mercredi et vendredi, fermeture contraire à l’accord passé avec le Musée du quai Branly qui verse 300 000 euros par an au musée depuis son ouverture au public le 13 avril 2000 au titre de quote-part aux frais de fonctionnement de l’espace. Cette mesure devrait « s’appliquer jusqu’à juin 2013 », assure le Louvre. « Elle est liée à l’ouverture des salles dédiées aux arts de l’Islam et du parcours sur l’Orient-Méditerranée dans une période de diminution des effectifs. » Et l’institution d’indiquer que « même si le taux d’ouverture globale des salles atteint 97 %, certaines parties du musée connaissent plusieurs jours de fermeture. Telles les salles de peinture espagnole et italienne des XVIIe et XVIIIe siècles, fermées le mercredi en nocturne, le jeudi, le vendredi en nocturne et le dimanche ».
Stéphane Martin, le président du Quai Branly espère la situation « provisoire. D’autant que la fermeture du pavillon des Sessions le mercredi, jour de nocturne, s’ajoute à celle déjà effective depuis 2000 du vendredi, autre jour de nocturne du Louvre, et que la somme de 300 000 euros versée annuellement pour les coûts générés par cet espace de 1 000 mètres carrés est loin d’être négligeable ». Ce montant a été établi par une convention signée tous les cinq ans entre le Louvre et le Quai Branly et renouvelée en 2010 non sans difficultés, notamment après que deux rapports des finances eurent estimé le niveau de la participation du Quai Branly aux frais de fonctionnement – chauffage, climatisation, nettoyage… – en deçà des dépenses réelles. « Inspection qui n’est jamais venue nous interroger », précise Stéphane Martin en jugeant l’évaluation « bien étrange » eu égard « à la difficulté de calculer le coût réel du pavillon des Sessions inclus au milieu d’un parcours de flux ».
« Il n’a jamais été imaginé que nous louions cet espace, poursuit le président du Quai Branly. Ce qui a été imaginé est quelque chose de très avantageux pour le Louvre dans la mesure où la décision prise en février 1997 par Alain Juppé [Premier ministre] de créer le pavillon des Sessions, et confirmée un an plus tard par Lionel Jospin [son successeur], établit que l’achat des œuvres est du ressort du Quai Branly. Une douzaine d’œuvres ont été ainsi acquises spécialement depuis afin de maintenir sans contrepartie le niveau exceptionnel des pièces présentées dans ces deux salles. »
Faible fréquentation
Il est vrai que la création au sein du Louvre du pavillon des Sessions, première étape du futur musée du quai Branly inspirée par Jacques Kerchache et imposée à l’institution par Jacques Chirac quand il était président de la République, n’a jamais été acceptée par le musée, à commencer par son président-directeur de l’époque Pierre Rosenberg, qui n’a pas caché son opposition à sa création. Les bonnes relations entretenues entre Stéphane Martin et Henri Loyrette, doublées de la vision de ce dernier de redonner au Louvre sa mission universelle, ont semble-t-il aplani les querelles sur la pertinence du maintien de cette antenne du Quai Branly dont l’entrée au Louvre avait pour symbole la reconnaissance d’un art qualifié selon les époques de « primitif », « premier » ou « lointain ».
Il reste que la greffe forcée ne prend pas. Le pavillon des Sessions demeure pour le Louvre une enclave du Quai Branly comme le sous-tend l’absence de chef-d’œuvre de ce département dans la galerie du Temps du Louvre-Lens. Dans cette « présentation chronologique et transversale des collections du Musée du Louvre », rappelle le Louvre, « il n’a jamais été prévu d’exposer des collections du pavillon des Sessions dans la mesure où elles appartiennent au Musée du quai Branly. » Cette accumulation de faits et de décisions interrogent sur la place et la considération du Louvre accordées aux arts d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques au sein de l’établissement, et du devenir du pavillon. Le Louvre, face à la faible fréquentation de ces espaces, a en effet proposé son remplacement par un espace d’exposition temporaire consacré aux dialogues des cultures.
Proposition rejetée par le Quai Branly qui, devant le déficit de fréquentation de son antenne, réplique que le « Louvre ne s’est jamais engagé à communiquer sur le pavillon des Sessions ni à développer une politique des publics attitrée malgré les 300 000 euros versés ». Lors du dixième anniversaire de l’antenne, en avril 2010, les kakémonos installés rue de Rivoli avaient ainsi été retirés rapidement et les affiches prévues, non distribuées dans le circuit d’affichage du musée. Transformer par ailleurs le pavillon des Sessions en salle d’exposition temporaire sur le dialogue des cultures représenterait pour le Quai Branly un coût supplémentaire à supporter pour un établissement déjà engagé dans ses propres espaces dans une programmation soutenue, mais surtout renverrait aux préjugés selon lesquels les arts premiers n’ont d’intérêt que dans le dialogue qu’ils ont avec les arts occidentaux. Préjugés que la présence au Louvre du pavillon des Sessions entend justement combattre.
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Le Louvre délaisse le pavillon des Sessions
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Abonnez-vous dès 1 €Le Louvre, le Pavillon des Sessions, collections du musée du quai Branly. © Photo : Arnaud Baumann.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°383 du 18 janvier 2013, avec le titre suivant : Le Louvre délaisse le pavillon des Sessions