Urbanisme

La bonne mère s’offre un profond lifting

Par Christian Simenc · L'ŒIL

Le 18 janvier 2013 - 992 mots

MARSEILLE

Terrain de jeu des plus grands architectes internationaux, Marseille fait sa mue. Une mue engagée avec le projet EuroMéditerranée qui devrait prendre tout son sens en 2013, à l’occasion de Marseille-Provence.

Jamais, depuis les années 1950 et la production d’architectes phares comme Le Corbusier (la Cité radieuse) et Fernand Pouillon (la bibliothèque Saint-Charles), l’on avait vu souffler un tel vent de modernité sur la cité phocéenne. Certes, l’inexorable calendrier de « Marseille-Provence 2013 » a joué un rôle non négligeable pour faire coller davantage encore les chantiers à leurs plannings respectifs. Reste que la ville avait amorcé sa profonde métamorphose avant même d’être désignée, en 2008, capitale européenne de la culture.

Un nouveau Marseille
Cette mutation, Marseille la vit en réalité depuis le milieu des années 1990, date de la mise en selle de son grand œuvre d’architecture et d’urbanisme : EuroMéditerranée, un gigantesque projet de réhabilitation et de construction qu’elle vante comme « la plus grande opération de rénovation urbaine d’Europe du Sud sur un principe de transformation des grands terrains industriels sous-occupés situés en cœur de ville pour y développer de nouveaux quartiers économiques, commerciaux et résidentiels ». Budget prévisionnel : 7 milliards d’euros d’investissements.

Depuis près de deux décennies donc, la ville est en chantier avec, notamment, en point de mire, deux axes majeurs : agrandir le centre-ville vers le nord et traiter l’interface entre la ville et le port. Ainsi, au nord, dans le quartier de La Belle de mai, le nouveau Centre de conservation et de ressources ainsi que la bien-nommée Friche La Belle de mai sont deux pièces maîtresses du puzzle de demain. Le premier, conçu par Corinne Vezzoni et d’une surface de 10 000 m2, est l’une des trois entités qui composent le nouveau Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM). La seconde n’a aujourd’hui de « friche » que le nom, tant la réhabilitation y est ample. Cette ancienne usine Seita se reconvertit sous la houlette de Matthieu Poitevin et Pascal Reynaud (ARM Architecture) en un vaste site de création. Le 12 janvier ont ouvert les premiers 14 000 m2, dont la tour Panorama (18 millions d’euros), un espace de 4 000 m2 dédié aux expositions temporaires.

Offrir à la ville non seulement un nouveau visage, mais aussi un nouvel horizon, tel est le but du second vaste chantier, qui consiste à gommer les friches portuaires à travers une reconquête littérale du littoral. Déjà, fin 2011, les Marseillais avaient eu droit à un prélude, avec la conversion par les architectes Roland Carta et Éric Castaldi du célèbre Silo d’Arenc (16 000 m2, 30,1 millions d’euros) en un centre culturel avec salle de spectacle de 1 700 sièges. Puis, non loin du Silo, fut inauguré l’an passé la première tour de la cité phocéenne – 147 mètres sous la toise –, siège du puissant armateur CMA-CGM, construit par une superstar de l’architecture mondiale, l’Anglaise Zaha Hadid.

Retour vers la mer
Mais cette année 2013 devrait voir s’achever une flopée de nouvelles réalisations entre ladite tour et le Vieux-Port – lui-aussi remodelé par l’architecte Norman Foster et le paysagiste Michel Desvigne –, soit quelque 2,5 km dits « boulevard du Littoral », dont l’aménagement des espaces publics et de la voirie est mené par l’urbaniste Yves Lion (62 millions d’euros). En attendant, notamment, la finalisation d’un autre grand projet confié au maître d’œuvre transalpin Massimiliano Fuksas et intitulé Euromed Center (70  000 m2, 250 millions d’euros), dont des bureaux, des commerces, un hôtel quatre étoiles et… un complexe cinématographique (2 800 places) confié à EuropaCorp, la société de production de Luc Besson.

Quai de la Joliette, le J1, un immense hangar oblong mis à disposition par le Grand port maritime de Marseille, est désormais réhabilité. Alors que, au rez-de-chaussée, les passagers continuent à embarquer sur les ferries à destination de L’Île-Rousse, l’étage, lui, offre depuis le 12 janvier quelque 8 000 m2 d’espaces d’exposition. Un brin en retrait, le flambant neuf Fonds régional d’art contemporain Provence-Alpes-Côte d’Azur imaginé par le Japonais Kengo Kuma (5 400 m2, 22 millions d’euros) s’apprête à ouvrir ses portes en mars. À moins d’une encablure de là, l’ex-CeReM (Centre régional de la Méditerranée) signé par l’Italien Stefano Boeri s’est déjà, depuis l’an passé, trouvé un autre nom, « Villa Méditerranée », plus pompeux et tout aussi peu approprié, tant cet étrange monolithe coudé (70 millions d’euros, ouverture le 9 avril) ne ressemble en rien à une… villa.

Juste en face trône l’édifice qui devrait demeurer comme l’un des principaux legs de MP 2013 : le MuCEM (Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée), du moins son entité la plus ostensible, en l’occurrence le musée proprement dit (15 000 m2, dont 3 700 m2 d’espaces d’exposition et un auditorium de 400 places), dessiné par le Bandolais Rudy Ricciotti et baptisé J4, du nom de l’ancien môle sur lequel il s’érige. Coût de l’ensemble : 200 millions d’euros. Date d’inauguration prévue : printemps 2013.

Marseille qui, durant de longues années d’activités portuaires, avait tourné le dos à la mer veut désormais regarder la grande bleue droit dans les yeux. Et le plus loin possible. D’où cette série de gratte-ciel projetés sur les Quais d’Arenc, entre la tour CGM-CMA et le Silo : l’un par Jean Nouvel (135 m de haut), l’autre par Yves Lion (113 m), le troisième par Jean-Baptiste Pietri (99 m).

Portrait de Marseille

Dans la collection « Portraits de villes » des éditions Be-Pôles, le photographe Olivier Amsellem, natif de Marseille, livre une vision sans concession d’un exilé dans sa ville. Une ville qui se tourne désespérément vers la mer et qui ne cesse de se construire sans jamais s’achever. Ses images de chantiers à l’abandon, de no man’s land, de jetées en béton et d’une végétation tentant de se frayer un chemin à travers la pierre laissent peu apparaître les Marseillais eux-mêmes.

www.mp2013.fr

Sur les 931 projets retenus, 525 sont coproduits par MP 2013.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°654 du 1 février 2013, avec le titre suivant : La bonne mère s’offre un profond lifting

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