PARIS
L’éditrice à succès n’aura pas su incarner la fonction, malgré un bilan somme toute honorable.
Françoise Nyssen ne sera restée que 517 jours Rue de Valois, un peu moins que Fleur Pellerin (534 jours), mais plus qu’Audrey Azoulay (454 jours), ses deux prédécesseures. Il se murmure qu’elle était le second choix d’Emmanuel Macron, lequel lui aurait préféré l’écrivain et membre de l’Académie française Erik Orsenna. Ce n’était qu’un léger nuage dans un ciel aussi bleu qu’à Arles, sa ville d’adoption, elle fut en effet accueillie très favorablement par les milieux culturels et médiatiques ; il est vrai que nombreux sont ceux parmi les journalistes à être publiés par Actes Sud, l’entreprise créée par son père et qu’elle dirige avec son mari. Ce lien avec la société civile étant à la tête d’une maison d’édition riche de Nobel et prix Goncourt, une vie familiale marquée par le malheur, la création d’une école alternative lui ont conféré un énorme capital sympathie, renforcé par une personnalité décontractée et chaleureuse.
Mais après une période de grâce, son étoile a pâli au fur et à mesure de ses interventions publiques. Maladroite, confuse, hors sujet, Françoise Nyssen suscitait même de la gêne dans l’assistance ou chez les journalistes qui l’interviewaient. Son entretien dans la Matinale de Nicolas Demorand sur France Inter le 7 mars est à ce titre un moment d’anthologie. Résultat, elle « n’imprime » pas dans l’opinion, comme disent les sondeurs. D’ailleurs ces derniers se désintéressent d’elle et, alors que la cote de popularité d’Aurélie Filippetti et de Fleur Pellerin étaient mesurées par Ipsos et TNS Sofres, ils préfèrent aujourd’hui suivre celle de… Jack Lang.
Pourtant les occasions qui lui auraient permis d’augmenter sa notoriété n’ont pas manqué : l’ouverture du Louvre-Abou Dhabi, le Loto du patrimoine, le plan d’éducation artistique et culturelle à l’école, le plan sur la francophonie, voire le décès de Johnny Hallyday (qu’aurait dit Frédéric Mitterrand !). Mais à chaque fois elle se fait supplanter dans les médias par d’autres personnalités : le président de la République (très souvent), Stéphane Bern, le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer. Même les organisateurs de manifestations lui préfèrent Brigitte Macron.
Ironiquement, les Français commencent à mieux la connaître par cette actualité dont elle se serait, pour le coup, bien passée : l’affaire des travaux non déclarés dans les locaux d’Actes Sud révélée par le Canard enchaîné. Elle entre alors dans l’essoreuse politico-médiatique. Le Canard feuilletonne : en juillet les locaux à Arles, en août ceux de Paris. Le Parquet ouvre une enquête préliminaire sur les travaux parisiens. En pleine affaire Benalla, les journalistes font l’amalgame.
Son image personnelle et son faible poids politique ont également eu des effets induits sur ses moyens d’action. La quasi-totalité de son cabinet a été renouvelée en seize mois et les deux directions principales de son ministère, la Création artistique et les Patrimoines, sont sans directeur depuis plusieurs mois ; dans l’attente d’un/e successeur/e ?
C’est donc plus son équation personnelle que son bilan qui a joué en sa défaveur. Françoise Nyssen a en effet fidèlement mis en œuvre les promesses de campagne d’Emmanuel Macron : le budget de la Culture est resté stable, le Pass culture commence à prendre forme, le plan éducation artistique et culturelle est plus lisible, la mission sur le patrimoine de Stéphane Bern a passionné les médias, la circulation des œuvres en régions s’organise. Le président s’est cependant un peu agacé de son manque d’allant sur la réforme de l’audiovisuel public. Une fois encore, la complexité de ce trop large ministère a broyé une personnalité animée des meilleures intentions du monde mais pour qui le ciel était trop vaste.
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Françoise Nyssen, une étoile filante et pâlissante
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°509 du 19 octobre 2018, avec le titre suivant : Françoise Nyssen, une étoile filante et pâlissante