La Cour des comptes appelle les acteurs publics et privés à s’impliquer davantage dans la restitution des biens volés entre 1933 et 1945.
France. En une vingtaine d’années, les musées français ont évolué d’une ignorance coupable à une proactivité volontaire en matière de restitution des biens spoliés aux Juifs entre 1933 et 1945. Dans son rapport consacré au sujet, dévoilé le 24 septembre, la Cour des comptes se félicite de voir la France rattraper le retard pris dans cet effort de restitution et d’indemnisation des ayants droit, soulignant notamment la solidité du cadre juridique – récemment augmenté de la loi adoptée le 23 mai 2023, qui facilite la sortie des collections nationales pour les œuvres spoliées.
Cette prise de conscience récente ne bénéficie toutefois pas de moyens suffisants pour mener à bien le travail de recherche de provenances sur l’ensemble des collections. Il a fallu attendre 2023 pour que le service des Musées de France crée ainsi une enveloppe dotée de 200 000 euros pour l’exercice 2024, soutenant la démarche de recherche de provenances engagée par des musées territoriaux.
Ce chantier n’a rien de systématique dans les musées français, et dépend des moyens accordés par chaque établissement. Le Louvre, le Musée d’Orsay ont ainsi intégré à leurs équipes des chercheurs dédiés à la recherche de provenance, « en faible nombre en comparaison des grands musées des pays étrangers étudiés par la Cour ». Au Musée national d’art moderne, c’est une chercheuse mise à disposition par la Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés (M2RS) qui a permis d’initier les recherches. Les musées métropolitains de Rouen ont quant à eux fait appel à un prestataire privé pour réaliser cette mission.
La comparaison avec d’autres pays européens engagés dans ce travail de restitution est peu flatteuse : le Centre allemand pour les œuvres disparues (DZK) disposait ainsi d’un budget annuel de 12 millions d’euros en 2023. Son périmètre d’action est toutefois bien plus large que la M2RS, puisqu’il traite aussi les œuvres spoliées dans les contextes soviétique et colonial. En Autriche et aux Pays-Bas, ce travail est principalement porté par les musées qui créent des postes consacrés à la recherche de provenance : sept chercheurs spécialisés sont ainsi salariés du Rijksmuseum. « La France apparaît très en retrait », estiment les rapporteurs, qui notent un « hiatus entre le cadre juridique […] et la capacité effective à traiter les demandes de réparation, faute de moyens justement dimensionnés. »
Le point noir du rapport concerne le marché de l’art, dont la Cour des comptes dénonce en des mots feutrés le manque d’implication dans la recherche de provenances. Une des recommandations du rapport demande ainsi de « créer dans la loi une obligation de réponse des acteurs privés du marché de l’art aux demandes d’information des agents publics en charge d’une recherche de provenance ». Les acheteurs publics ne sont pas exempts de tout reproche : le rapport pointe également « un manque de formation sur les risques inhérents au fonctionnement du marché de l’art et provenances » parmi les agents siégeant dans les comités d’acquisitions.
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France, réparation des biens volés pendant la guerre : bien mais peut mieux faire
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°640 du 4 octobre 2024, avec le titre suivant : France, réparation des biens volés pendant la guerre : bien mais peut mieux faire