PARIS
De part et d’autre de la Manche, deux droits peu usités liés aux expositions suscitent la controverse.
Dans un entretien accordé au Monde le 9 juin dernier, Anne Baldassari, récemment révoquée par le ministère de la Culture de son poste de présidente du Musée Picasso, énonçait sans détours qu’en cas de reprise par le musée de son « concept d’accrochage », une atteinte à son droit d’auteur aurait lieu nécessitant alors l’engagement d’une action en justice pour défendre ses droits.
En effet, selon la conservatrice, la sélection des œuvres réalisée était guidée par son projet d’accrochage consistant en « un parcours complexe, à la fois chronologique et thématique, qui vise à sortir de la vision naïve de l’œuvre » de Picasso. À suivre Anne Baldassari, celle-ci bénéficiait, au moment de la réalisation de l’exposition, d’une véritable marge de manœuvre, qui lui permettait de ne pas mettre en œuvre un simple savoir-faire technique, au service d’une présentation méthodique des œuvres exposées, mais bien au contraire d’exprimer sa personnalité. Il s’agirait d’un « manifeste théorique, une scénographie de la collection, une relecture de l’œuvre, et donc une prise de risque ». Un droit d’auteur sur l’exposition pourrait ainsi lui être reconnu et cela malgré son statut de fonctionnaire, conformément à l’article L. 111-1, alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle.
Cependant, un tel droit demeure symbolique, dès lors que l’œuvre de l’esprit a été réalisée dans l’exercice des fonctions de l’auteur aux termes de l’article L. 121-7-1 du même code. En effet, en ce cas, l’agent public ne peut « s’opposer à la modification de l’œuvre décidée dans l’intérêt du service par l’autorité investie du pouvoir hiérarchique, lorsque cette modification ne porte pas atteinte à son honneur ou à sa réputation ». De même, l’agent ne peut « exercer son droit de repentir et de retrait, sauf accord de l’autorité investie du pouvoir hiérarchique ». L’accrochage prévu mi-septembre à l’occasion de la réouverture du Musée Picasso pourrait ainsi reprendre l’œuvre d’Anne Baldassari en la modifiant, voire en la conservant, sauf accord du ministère. Le bras de fer est ainsi loin d’être résolu.
Reconnaissance d’un droit d’exposition
Outre-Manche, c’est un autre bras de fer qui se joue, entre les artistes et les lieux d’exposition bénéficiant de financements publics. Fin mai, à l’occasion de la campagne « Paying Artists » visant à mobiliser les artistes britanniques et l’opinion publique en vue d’établir un meilleur système de réparation des droits, une étude soulignait que 70 % des artistes contemporains n’avaient reçu aucune compensation pécuniaire à l’occasion de l’exposition de leurs œuvres au cours des trois années passées et plus de la moitié d’entre eux n’avaient pas pu recouvrir les frais de production engendrés. L’enjeu est ainsi d’imposer la reconnaissance d’un droit d’exposition, droit ignoré par la loi anglaise de 1988. Celui-ci s’avère en revanche reconnu en France, malgré l’absence de référence textuelle explicite, depuis deux arrêts de la Cour de cassation de 2002 au titre de la présentation publique. En dépit de cette reconnaissance, la mise en œuvre d’une telle prérogative au profit de l’artiste demeure délicate. Seul un véritable droit à rémunération fait aujourd’hui consensus.
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Débats sur le droit d’auteur
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Abonnez-vous dès 1 €L'Hôtel Salé, abritant le musée Picasso, Paris - © Photo Guillaume Baviere - 2010 - Licence CC BY 2.0
Escalier d'honneur de l'hôtel Salé / Musée Picasso - Paris - © Photo Luctor - 2007
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°416 du 20 juin 2014, avec le titre suivant : Débats sur le droit d’auteur