Un rapport du Sénat formule plusieurs propositions intéressantes pour apaiser les relations entre les architectes des Bâtiments de France (ABF) et les demandeurs d’avis conforme.
Paris. Si les rapports du Sénat ne sont pas toujours très précis, celui récent portant sur les architectes des Bâtiments de France (ABF) est un modèle d’analyse et de recommandations. Marie-Pierre Monier (membre du groupe socialiste, écologiste et républicain) et Pierre-Jean Verzelen (Les Indépendants-République et Territoires) ont tenté de comprendre les critiques à l’égard des ABF et d’y apporter des solutions. Ils se sont en particulier appuyés sur la plate-forme en ligne du Sénat, créée en 2018 et entièrement refondue en début d’année, à laquelle se sont déjà inscrits près de 37 000 élus locaux. La consultation sur les ABF a permis de récolter 600 témoignages directs, soit de précieuses informations provenant du terrain.
Un chiffre, pourtant public, peut en partie expliquer la situation : 6 %. Alors que le nombre d’avis émis par les ABF a bondi de 183 000 en 2013 à 538 000 en 2023, le nombre d’ABF est quasi resté stable, 179 en 2013 et 189 en 2023, soit + 6 %. Le Sénat a calculé que ces fonctionnaires de l’État émettent 13 avis par jour travaillé. Sans compter leurs autres missions tout aussi importantes. Ils ne sont bien sûr pas seuls, les unités départementales de l’architecture et du patrimoine (UDAP) qu’ils dirigent emploient 4 à 16 agents, mais ils endossent la responsabilité de leur signature.
Pas étonnant, dans ces conditions, que 14 % des avis conformes soient des refus et surtout que 50 % des avis favorables soient assortis de prescriptions, ce qui revient parfois au même compte tenu du coût supplémentaire induit par les prescriptions. Conséquence de cette cadence, les ABF auraient tendance à être trop pointilleux à l’égard des demandes d’urbanisme afin de privilégier leur mission première : préserver le patrimoine paysager dans les abords des 45 000 monuments historiques (MH), dans les 844 sites patrimoniaux remarquables (SPR) et les 6 800 sites classés ou inscrits. S’ensuit un « ressentiment » à l’égard de ces agents qui exercent leur fonction en toute indépendance. Selon les demandeurs (élus et particuliers), les avis sont imprévisibles et variables d’une région à l’autre, les prescriptions sont trop coûteuses et les avis seraient insuffisamment motivés.
La mission n’est pas avare en recommandations, souvent de bon sens. Pour alléger la charge de travail des ABF, elle préconise de leur retirer leur mission de sécurisation des cathédrales et de diminuer la superficie des abords des MH et donc des demandes d’urbanisme. Les abords sont déterminés par un rayon de 500 m autour du monument. Un dispositif existe pour limiter ce rayon permettant de prendre seulement en compte la covisibilité : les périmètres délimités des abords (PDA). Afin de faciliter la création de ces PDA, les sénateurs proposent de supprimer l’obligation (coûteuse) de conduire une enquête publique quand le PDA est réalisé indépendamment du plan local d’urbanisme, ainsi que la consultation (inutile) du propriétaire du monument. Elle recommande d’attacher un règlement à ce PDA, permettant de mieux faire connaître les règles du jeu et ainsi d’assurer en amont le respect des demandes d’urbanisme.
Dans ce registre d’information des demandeurs, elle encourage le développement de permanences des ABF dans les communes, ainsi que la production et la diffusion de documents sur les exigences des ABF, et propose de rendre publics tous les avis dans une base de données ouverte à tous. Cette mesure de transparence faciliterait la connaissance des demandeurs tout en incitant les ABF à uniformiser leur décision, rendue ainsi plus prévisible. Pour répondre à la frustration des demandeurs, outre ce qui vient d’être indiqué, la mission préconise d’augmenter le délai de recours de sept jours à un mois et de mettre en place dans chaque département une commission de médiation.
La mesure la plus simple, recruter un ABF supplémentaire par département, est celle qui a le moins de chance d’aboutir compte tenu du PLF 2025.
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Comment réconcilier les ABF avec les porteurs de projets d’urbanisme
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°641 du 18 octobre 2024, avec le titre suivant : Comment réconcilier les ABF avec les porteurs de projets d’urbanisme